Moly-Sabata est une résidence cachée, peu ouverte, logée dans un coin de Rhône où l’on vient développer son travail sans autre fin que celle de s’y atteler pleinement. Aucune obligation d’exposition ne s’attache à cet exercice. Sauf qu’en l’occurrence, Muriel Rodolosse et Josué Rauscher ont choisi de présenter les leurs.

L’intervention de Josué Rauscher se trouve essentiellement au sol. Ses sculptures l’ont envahi de leur fragilité tout en le rationnalisant. Il en résulte un capharnaüm organisé, où chaque œuvre a son espace propre – de même que dans un White Cube – sauf qu’ici la neutralité est dysfonctionnelle. D’ailleurs le sol est recouvert d’un parquet un peu mal ajusté dont le décalage permet de comprendre, une fois dessus, qu’il est le réel support visuel des œuvres.

Ces objets que l’on découvre à terre et sur des socles de récupération semblent provenir d’un improbable musée des inventions brisées. Y sont rassemblés des morceaux essentiellement en terre cuite et en bois. Leurs formes sibyllines ne permettent pas d’en comprendre les enjeux. On pense à des prototypes dont seuls les volumes fossilisés perpétue la présence à défaut d’en indiquer la fonction. En déambulant à leurs côtés, à la fois soucieux de ne pas les abimer et pris par le désir de les manipuler pour en faire ressortir la mécanique, on se les imagine avoir fait partie d’ambitions plus vastes, d’épopées et d’euphories aujourd’hui disparues.

Le travail de Muriel Rodolosse inverse ce rapport. Ses peintures sous plexiglas mêlent figuration et gestuelle, empâtements et formes au pochoir, le tout pris dans la planéité parfaite et homogène de la transparence qui les referme. Entre le regard et la peinture, cette pellicule marque une frontière infranchissable. Impossible à dépasser, elle impose les règles de son filtre et inverse la construction de l’image qui va des premiers coups de pinceaux aux derniers. L’archéologie sous-jacente – présente dans n’importe quelle peinture, mais qui ici, plutôt que d’en cacher le début en occulte les ultimes moments, autrement dit, l’achèvement –, on ne peut s’empêcher de la deviner, de l’espérer et, quelque peu, la fantasmer.

Il suffirait de retourner le tableau pour voir. Mais cela n’arrivera pas. Et bien que le personnage figuré à échelle une au centre du tableau soit juché sur une chèvre et fasse le clown pour attirer notre attention, rien n’y fait ; l’œil est impitoyablement bloqué sur ce qu’il ne voit pas.