Pour cette exposition dans la Galerie Praz-Delavallade Philippe Decrauzat a pris le parti de transformer l’espace de la galerie afin de l’adapter à une écriture de la scénographie étrange et inhabituelle.

Seules trois peintures y sont exposées. Elles sont disposées sur des décrochements successifs dans le mur, les faisant découvrir aux visiteurs graduellement, à mesure qu’ils s’enfoncent dans l’espace. Cette progression s’opère comme dans un entonnoir renversé. Très à l’étroit à l’entrée, on est collé à la première peinture. Son motif géométrique à l’optique désagréable distord le regard sans toutefois trop l’agresser puisque la distance entre l’œil et la surface n’est pas suffisante pour que se déploie pleinement le mécanisme de louvoiement visuel propre à ce type de graphie composé d’oscillations verticales bleues et rouges légèrement décalées.

Deux pas plus loin, l’antichambre s’élargie ouvrant un espace un peu moins petit. Là encore une peinture est présente à notre gauche, presque identique à la précédente, à la restriction que sa taille est, proportionnellement à la variation de l’espace, plus importante que sa prédécessrice. Enfin, un troisième moment réitère le principe d’agrandissement à l’œuvre précédemment.

Cet ultime espace permet à l’œil d’être accaparé par le tourbillon des vagues hertziennes qu’a tracé l’artiste sur le dernier tableau ; les visiteurs se mettent à loucher avant de détourner le regard, agacés par le piège visuel qui en soit n’est ni une surprise ni une découverte dans le travail de Philippe Decrauzat. Ce qui l’est c’est le processus qui mène à lui, comment l’artiste engage avec l’observateur un petit jeu de suspens dont la fin cousue de fils blancs est inévitable. C’est à ce moment qu’intervient l’autre élément de la scénographie, l’escalier de trois marches qui fait face aux toiles et qu’on longe depuis le début de la visite. C’est sur cet étrange morceau d’amphithéâtre grec, blanc et reposant, que l’on peut asseoir un moment ses yeux en quête de stabilité ; on peut même le suivre comme une rampe pour sortir de l’exposition sans risquer de replonger dans le mal de mer.