Pierre Ardouvin est metteur en scène au théâtre des mélancolies. Son exposition au CRAC à Sète en témoigne : éclairage, musique, paillettes, tout est organisé pour que la visite vous pince le cœur et fasse ressurgir qui, une peur enfantine dans la forêt peuplée d’oiseaux de La nuit je mens, un souvenir d’adolescent avec la ritournelle de Marcel empruntée à Dalida, ou encore une ambition abandonnée dans La Roue de la fortune.

Toutes les recettes sont bonnes, et celles qui le sont plus que les autres sont réemployées sans état d’âme. Ainsi, (presque) toutes les œuvres sont isolées dans des salles plongées dans l’obscurité et uniquement illuminées par des halos de lumière pointés sur elles. L’étrangeté y est automatique, et c’est presque une déception lorsque l’on comprend qu’égrainées dans les salles du CRAC, ses œuvres ont perdu le charme qui les caractérise lorsqu’on les appréhende seules.

Dans ce contexte, les ficelles répétées se désamorcent trop vites ; entre le moment où l’on découvre une pièce et celui où l’on comprend la mayonnaise avec laquelle Ardouvin veux nous faire monter, trop peu de temps se passe. Le vide emplit mes yeux aurait pu être une œuvre où prendre son temps  pour la laisser diffuser mille ramifications ; la simplicité de son processus appelle cette longueur, mais le bruit des œuvres voisines parasite ce moment. Une fois sous les deux ouvertures pratiquées dans la salle (sombre) et basse de plafond qui l’accueille, observant, la tête penchée en arrière, la lumière qui nous surplombe, le temps devrait pour nous s’arrêter. L’espace que l’on y aperçoit pourrait agir comme un enlèvement par des extraterrestres, or rien ne se passe parce tous les stratagèmes utilisés ici l’ont été ailleurs.

Toutefois, des œuvres plus modestes parviennent à attirer l’attention, c’est le cas de Wish you were here que l’on découvre dans un couloir, presque par hasard. Il ne s’agit que d’une chaise à roulette cassée, dans l’assise de laquelle stagne sous un peu d’eau une carte postale froissée, mais c’est suffisant pour ouvrir l’imagination. De même, les collages de l’artiste, faits de deux fonds d’écran associés, permettent dans un premier moment de brouiller la lecture ; sans comprendre ce qu’il s’y passe, on glisse dans un second moment où apparaît une autre lecture qui, irrationnelle, permet d’enfin lâcher prise face à l’image.