Dans la grisaille de Dove Allouche le visiteur pénètre sans efforts. Il s’y enfonce avec lourdeur, comme s’il était pris dans les grains, fins et noirs, d’une plage de sable au pied d’un cratère ancien. Les remous de l’océan tout autour dansent leur ballet de vaguelettes et donnent le sentiment d’une immobilité vibrante exempte de tous bavardages, de toute ironie, de toute fébrilité.

Délibérément, l’artiste attire l’attention sur les techniques qu’il emploie. Tout aussi délibérément, il s’attache à nous perdre dans ses sujets sibyllins. De l’un et de l’autre, il prend grand plaisir. On s’y attarde, songeant et comparant les qualités narratives et les nuances de gris de tel procédé avec tel autre, scrutant le geste de sa main dans les grands dessins à la mine de plomb, ravi d’extrapoler sur les raisons d’un éclair dans un ciel, ou d’un fond marin. Il faut dire qu’à ce moment, tout le plaisir est pour nous, d’autant que bon prince, Dove Allouche ne cache rien de ses intensions. On peut lire par exemple d’IR_11 – 2011 qu’il « rehausse à l’encre de Chine noire, puis dessine à la mine graphite sur estampe à l’encre pigmentaire jet d’encre imprimée sur papier bfk rives, d’après une photographie sur plaque de verre d’Isaac Roberts de 1885 numérisée et traitée en haute définition ». Photographies qui, en définitive, ne s’avèrent être que les traces hasardeuses de prises de vues ratées mais pieusement conservées par un institut fier de ces balbutiements.

Ces traces que l’on discerne à peine dans des dégradés de schiste, de basalte, de pyrite et de plomb collent à la peau. Elles brillent. Telle une collection de minéraux microscopiques étalée sur le papier, fragile et unique, elles nous rappellent la nuit qui règne sous terre. Là, l’obsidienne née des fortes pressions est pulvérisée par abrasion. La poésie y adjoint de l’essence de lavande.

Les Dernières couleurs_ se paient même le luxe de nous éblouir. Ce sont trois grands panneaux verticaux ; un bleu, un rouge, un vert qui réfléchissent leur coloris issus de la chimie des usines Lumière. Encore des traces résiduelles, et tout autant de composés cristallins propres à faire affleurer l’histoire.