Penone à Versailles n’est pas une réussite. Non pas que le travail de l’artiste manque de panache, marbre, bronze et feuilles d’or tiennent la dragée haute au château, mais à aucun moment le visiteur n’a le sentiment d’être face à une exposition pensée. On est constamment obligé de faire abstraction du contexte pour apprécier les œuvres qui semblent négligemment installées.

L’essentiel de ce ratage se trouve dans le jardin où une première œuvre, Spazio di Luce (Espace de lumière), sorte de tube digestif ramifié et étiré dans le sens de la perspective, indique aux visiteurs qui s’en approchent, pour regarder dedans comme dans une longue vue, que rien au bout ne les attend. À quelques pas est disposé Tra Scorza e Scorza (Entre écorce et écorce), un vrai chêne dont le tronc a été recouvert de bandelettes pour en contraindre la pousse. Placé entre les deux volets d’un cercueil de bronze vertical, seuls s’échappent quelques branchages feuillus. En le voyant, on songe aux petits pieds bandés des Chinoises.

Il est d’ailleurs question d’anatomie dans les œuvres qui suivent, avec les imposantes stèles de marbre blanc qui portent ce nom. Sur ces rochers, hauts comme des portes cochères, un travail d’excavation fait apparaître des veines et des entrelacs de plis, qui donnent à leur surface l’aspect fripé qui recouvrent les mains et les pieds quand on les sort de l’eau après les y avoir laissés tremper trop longtemps. Cet aspect et redoublé par la coloration pâle et grisée, qu’émaillent quelques brillances, et qui imite la moiteur tendre et accueillante des peaux humides. On pourrait penser qu’avec ces métaphores corporelles, l’artiste fait incarner aux arbres et aux pierres ce qu’il ne peut faire avec la chair, creusant l’une pour faire voir l’autre, et mêlant de la sorte minéral et végétal afin de créer un état de la matière de l’ordre de la fossilisation. Mais malheureusement, au milieu des jardins de Le nôtre, toutes ses actions s’apparentent plus à des leçons de morphologie décorative qu’à des dissections critiques.

Plus bas, sur le parterre de gazon qui mène au grand bassin, Penone multiplie les gestes impressionnants. Albero folgorato (Arbre foudroyé) est un arbre fendu par la cime, l’artiste l’a fait entièrement dorer là où son tronc éclaté a été foudroyé. Ailleurs, des arbres ploient sous de grosses pierres prêtes à être éjectées comme des traits d’arbalète. Penone sort les dents, menace, mais ne parvient à rien. Le comble a lieu dans le Bosquet de l’étoile qu’occupent sept œuvres monumentales. Ce sont sept arbres : sept nains faisant des pitreries.