La villa des Roches Brunes à Dinard se voit de loin quand, sur la plage, simple touriste on crapahute.

Cette maison est fabuleuse, mais elle a été vidée. Tous ces manques la hantent et les boiseries vernies et usée par des décennies de mains, rappellent l’omniprésent sentiment d’une existence antérieure. Seuls les rideaux et les tapisseries l’incarnent encore. C’est que ces dernières sont chargées de fleurs colorées, que ces fleurs dont soleil a épargné le teint s’épanouissent le long des murs, dans les coins ombragés de cette maison qui aujourd’hui n’en produit presque plus. Parmi tout ce calme, se tiennent les œuvres dispersées et disparates de la Collection Bernard Magrez : un vieux pneu sculpté par Wim Delvoye est posé à coté d’une petit Hans Hartung, d’une paire de bouquet en vase de Bernard Buffet, des Larmes de Claude Lévêque, de Paola Pivi, de Xavier Veilhan et une dizaine d’autres. Tous sont rassemblés comme pour la réunion d’une famille depuis longtemps désunie. Près de l’entrée un portrait de Françoise Hardy pris par Jean-Marie Périer donne une idée de ce moment où tous sont partis, ça a dû avoir lieu à la fin des années 60.

« Révolte/Espoir », dit de manière une peu manichéenne l’œuvre de Laurent Valéra. Dans cette réunion il y a beaucoup de tension accumulée, prudemment posté à équidistance les uns des autres, chacun tient sa place, et se regarde en chiens de faïence en attendant le notaire.

L’exposition réserve toutefois quelques surprises, comme si certaines œuvres avaient retrouvé une place ancienne, celle qu’elles occupaient autrefois avant de partir. Happy Butterfly Day d’Andy Warhol est de celles-ci. Ce dessin aux allures d’illustration pour enfant est logé en haut de l’escalier, près de ce qui pouvait être la chambre parentale, dans un petit espace où, autrefois, il pouvait se blottir quand le fracas des tempêtes qui agressent la côte durant les hivers bretons se faisait trop dur pour son jeune âge. En passant devant on le regarde avec tendresse, on est bien loin du grand Andy Warhol que l’on connaît désormais. C’est un peu la même chose qui se passe en découvrant la sculpture de Jean-Michel Othoniel postée dans la petite véranda qui surplombe le vide au rez-de-chaussée. Adolescent épris de Victor Hugo, Géométrie Amoureuse regarde au loin, en direction des îles Anglo-Normandes.