Le projet au titre grandiloquent qu’organise Jens Hoffmann à la Galerie Marian Goodman est bien plus que la somme des références amusantes et savantes qu’il associe. L’intitulé ne permet pas de le deviner pas immédiatement, mais il s’agit d’une exposition de photographies. Celle-ci regroupe presque pêle-mêle une impressionnante sélection de photographes et d’images qui démarre à B comme Lewis Baltz pour se terminer à W pour Chris Wiley.

Entre eux deux, quarante trois photographes prennent place dans l’accrochage serré qui remplit le rez-de-chaussée de la galerie. Et étrangement, aucun sentiment d’étouffement n’est perceptible. De cela on doit rendre grâce aux beaux volumes sous plafond, à la lumière naturelle, aux cartels bien organisés, mais aussi aux trois vitrines disposées au centre de l’espace qui ont été remplies d’antiques appareils photos et de boîtes de papier photographique. Ces reliquaires créent une perturbation dans la lecture de l’accrochage et induisent un moment de respiration. Entre Bustamante et Jeff Wall, l’œil peut s’y perdre, s’y amuser, s’y reposer ; éventuellement s’y instruire.

Il est donc aisé de s’attarder dans cette douce typologie. Bien qu’elle ne suive aucune logique apparente, la sélection coule de source. Les bonds d’image en image finissent par organiser un immense panorama. Une fresque presque décorative, qui donne l’impression d’observer, entièrement déplié et dépiauté, un nécessaire de voyage dont il serait normalement impossible d’examiner simultanément toutes les poches, toutes les attaches et tous les ustensiles. Cette dissection ne dit rien des circulations, elle se contente d’exposer leurs réalités. Elles deviennent visible, manifeste, mais sont à l’arrêt. On a tout le temps de l’explorer.

La logique de cette ensemble est circulaire, on peut sans aucun problème passer de n’importe quelle photographie à n’importe quelle autre. D’un seul trait le mouvement des yeux s’enroule, rien n’achoppe jamais. C’est dans cette caractéristique que la salle des pas perdus que présente Jens Hoffmann prend tout son sens, elle est belle comme les carrés magiques de Pascal.