L’exposition proposée par l’artiste mexicain Gabriel Kuri à la Galerie Nelson-Freeman a tout d’une collection. Une collection plutôt qu’un ensemble parce que les bornes temporaires qu’exigent les expositions ne semblent pas ici avoir d’existence. La cohérence de cette proposition se comprend comme un temps long, un temps plus vaste que celui d’une exposition d’été.

Et c’est une joie. De Gabriel Orozco, présent par une photographie, Five problems – résultat d’une composition performée dans un supermarché avec pour seule aide des pommes de terre et une ligne de carnets colorés –, aux 48’’ de Mel Bochner qui remplissent la cage d’escalier en colimaçon vernis de la galerie, la sélection de Gabriel Kuri semble restituer un paysage mental qui ne date pas d’hier.

La grande installation de David Medalla, Cloud Canyons, qui accueille les visiteurs est un peu à l’image de cette ébullition tranquille. Elle est constituée de quatre tubes de verres disposés verticalement sur un socle, d’où s’extirpent des boudins de mousse savonneuse qui forment, en retombant, des ondulations sans cesse changeantes qui disparaissent au grès des fluctuations de température et d’humidité l’air ambiant. Ainsi, dans la fraicheur de la galerie, au vu et au su de tous, tel l’Etna elle se répand dans l’atmosphère que l’on respire en la regardant.

On retrouve ce goût pour le serpentin dans plusieurs autres œuvres, c’est notamment le cas avec le petit mécanisme cinétique de Gianni Colombo, la peinture d’arcs de cercle de Paul Panhuysen, ou encore dans le Profilo Continuo mussolinien de la vidéo de Sophie Nys. À chaque fois une certaine intelligence de la lenteur s’exprime dans ces œuvres.

Elle est palpable dans l’attention que capte la vidéo de Samuel Beckett et celle de Michel François. Dans la première, trois spectres encapuchonnés se déplacent dans un petit espace carré filmé d’en haut. Ils avancent en lignes droites, longent les murs et rebondissent dans les angles, rejoignent ensemble le centre de la pièce, mais à chaque fois s’évitent. Ce ballet géométrique qui les fait tourner en rond donne au spectateur l’impression qu’avec eux c’est l’écran qui se met en rotation. Mais une rotation qui patine, une rotation séculaire, sans mal de tête : à la fois acceptée et dérangeante. Pour son œuvre, Michel François, plie et distord une feuille d’aluminium que dédouble un miroir donnant l’effet d’un test de Rorschach. La vidéo dure plusieurs longues minutes. Juste ce qu’il faut pour lasser l’observateur qui fini par trouver l’effet un peu léger. Lassitude qui renverse la vapeur et questionne la facilité avec laquelle elle apparaît. L’œuvre est belle et ennuyeuse, comme un couché de soleil qui s’éternise et laisse en suspens la possibilité même de son charme.