Le projet des Frères Chapuisat, invités par la JGM Galerie dans le cadre du chapelet Nouvelles Vagues, dépasse la simple adition des œuvres et du commissariat, elle fonctionne comme un palimpseste, une rémission baignée dans le souvenir de la maladie ; elle n’est ni une citation ni un éloge, elle est un acte de cannibalisme : une vraie exposition.

Bienséance oblige, le texte d’introduction parle de spiritualité, mais il est ici question de mort et, par digression, de cercueils, de tombeaux, de mausolées, de mastabas, de fours. Ces morts sont Cy Twombly, Mike Kelley, David Weiss et Franz West. Ils sont présent dans le projet par une œuvre choisie qu’enceint le travail des Chapuisat. Celui-ci consiste pour chacun d’une structure de bois clair faite d’épaisses planches pleines d’échardes, agencées de manière à créer, par strates superposées, le volume d’un diamant triangulaire juste assez vaste pour accueillir l’œuvre invitée, soit l’espace obtenu en associant deux pyramides à base triangulaire, et dans lequel, le duo pratique deux ouvertures en en décapitant les sommets. À l’intérieur, les œuvres sont illuminées par un halo jaune presque matériel. Tout autour les lumières ont été éteintes, le silence et la fraicheur remplissant la totalité de la galerie.

Évidemment l’expérience a quelque chose de mystique. Mais ce n’est pas tout, ces élégantes constructions ne font pas que présenter et protéger, elles digèrent. Elles sont des estomacs secs où nous sommes invités à plonger la tête pour nous rapprocher et, symboliquement, être précédés par les figures tutélaires qui s’y trouvent dans le ventre du duo d’artistes. Un peu comme un dompteur qui place sa tête entres les mâchoires de son lion, nous regardons au fond voir si l’idole insérée est bien celle que l’on croit. Ce faisant il devient autorisé de toucher, non pas les reliques, mais l’écrin qui les séparent de nous. Nos doigts courent dessus. Ces panses, ces carapaces, sans être l’objet direct de notre attention, retiennent presque tous nos sens à elles. C’est comme si elles opéraient une dichotomie entre ce que nous ressentons et ce que nous pensons. Les morts nous séduisent la larme alors que l’odeur du pin, son touché épineux, sa saveur et sa texture plongés dans le noir font de nous des croquemorts.