Des œuvres de James Turrell en circulation, il y en a beaucoup. On y court et s’y entasse volontiers, partout, son ombre est multipliée.

Rien à voir avec l’exposition que présente la Galerie Almine Rech. Il y a certes quelques goodies et dessins, mais l’essentiel, Prado, Red, l’une et unique œuvre proposée, l’est entièrement. Pour y accéder on traverse plusieurs espaces terminés par un couloir de moins d’une dizaine de mètres. À mesure que l’on y pénètre, la lumière baisse, les murs s’assombrissent, passent du blanc au gris et s’enfoncent dans la pénombre. Au bout, un coude fait entrer le visiteur dans pièce plongée dans l’obscurité la plus totale dont on mesure les vastes proportions grâce à l’oblique qui nous sépare du cœur lumineux de l’œuvre.

Aucune surprise, on est invité à progresser vers cet espace rouge disposé au loin. Tout le plaisir est situé dans cette distance. Dans les pas et les tâtons que l’on avance, aveugle et obnubilé par le carré grenat qui déploie un trésor de sensualité et de douceur quasiment tactile à mesure que le visiteur s’approche. Rien n’existe plus que cet espace vers lequel on tend et qui nous séduit dangereusement. Mais dont il faut pourtant rester un pas éloigné, sous peine de se heurter à réalité bien palpable de l’œuvre : le mur.

C’est en faisant demi-tour, apercevant le rectangle gris perle, qui signale la porte, que l’on comprend que le retour va cette fois faire partie de l’expérience. En allant de ce côté, le jeu de lumière est moins sophistiqué, moins parfait, il ne fait d’ailleurs pas vraiment partie de l’œuvre et n’existe que parce que le dispositif le permet, cette fois-ci et peut-être bien pour la dernière fois. Ce rectangle c’est nous qui le créons. Il donne à notre déplacement un écho de l’allée qui, à quelques minutes de cela, nous poussait dans le quadrilatère sanguin de James Turrell. Par ce retour vers la lumière du jour, on mesure l’œuvre que l’on laisse derrière soi, son pouvoir d’attraction, mais surtout la dualité de l’expérience. L’infini rentré dans du très peu, et son jaillissement à l’instant où on est mis en sa présence. Ce gris dans lequel on voudrait le retrouver est là pour nous consoler, pour nous dire que le long de la lame de chaque embrasure se devine un espace de lumière.