L’exposition présentée par la Galerie Praz Delavallade rassemble comme des balises des œuvres liées entre elles par Beautiful People (1988), un film de David Wojnarowicz, activiste et artiste Newyorkais décédé en 1992.

La première œuvre qui arrête le visiteur est une flaque de goudron séché, épaisse de quelques centimètres, ronde et affinée à sa circonférence comme une soucoupe volante. Puddle (black, gum) de Marli Mul est recouverte d’une fine pellicule d’eau où se reflètent le plafond et les néons qui zigzaguent par intermittence entre les graviers et ondulation de l’asphalte. Si l’on se penche suffisamment, le sourire béat que l’on émet en s’y découvrant s’ajoute au miroir, et pour peu l’on fermerait le yeux, et se retrouverait à Manhattan sur le point d’enjamber le caniveau gorgé de pluie d’une ruelle du Bowery.

La grille d’égout étranglée et invisible se retrouve dans l’œuvre de Carlos Reyes, Futur King’s Feet, une rangée d’étroites toiles verticales faisant penser à des barreaux que l’artiste a recouvert d’un ciel bleu ponctué de nuages bien blancs. Entre ces deux œuvres une connivence discrète rappelle l’entreprise poétique qu’accompagne l’appropriation de la rue par la marche, du plaisir de la déambulation et du bruit des chaussures, de la variété des masses d’air, moites et brûlantes, tièdes, vives, brusques et fraîches lorsqu’à l’embranchement de deux courants d’air l’on se sent porté par l’omniprésence du soleil qui vient d’en haut comme d’en bas, des façades vitrées et des mares d’eau rappeler au promeneur sa présence implacable.

Autres miroirs de fortune, les cinq triangles vitrés, petits éléments de carrosserie récoltés par annonces par Ben Schumacher pour créer Five rear quarters. Habituellement disposés entre le pare-brise et les fenêtres, ces morceaux de design industriel sont présentés en ligne pour en faire ressortir la diversité. Coincés entre nécessité utilitaire et figures minimalistes, ils renforcent l’attention dans le goût et la pleine jouissance des détails par le libre arbitre esthétique des individus.

Comme pour valider cette conquête la sculpture d’Elaine Cameron, Weir Egyptian Technologies flotte, pareille à un drapeau sans voile, au milieu de l’espace d’exposition. Elle est constituée d’un socle de pierre percé de trois trous où sont fichées autant d’antennes de cuivre, dépliées de toute leur longueur, tendues vers le plafond comme si celui-ci n’existait pas.