La spirale du Guggenheim bruisse comme une fourmilière. Pour son exposition, James Turrell l’a plongée dans une lumière blanche et cotonneuse dans laquelle les visiteurs se dirigent avec certitude, comme s’ils savaient où ils allaient, alors que le vide est partout et que la nudité du bâtiment ne donne aucune indication.

Au premier étage une très haute fissure laisse passer une lumière blanche. De cette œuvre on peut s’approcher, Prado (white) 1976 est même suffisamment large pour que l’on puisse envisager de s’y faufiler, mais elles trop bien garder pour que cela puisse arriver. Plus loin, deux pièces, chacune composée d’une ouverture carrée sont introduites par leurs dessins préparatoires ; la première est au ras du sol, la seconde à mi-hauteur, dans un angle. Seul élément stable de cet environnement, le carré apparaît tel un vitrail lavé de tout signe, sans histoire ni leçon, simplement offert à la contemplation.

Puis démarre la marche le long de la rampe en spirale. La monté semble d’autant plus longue que les balustrades ont été obstruées pour l’exposition, on monte, monte encore, pour parvenir une fois en haut à une queue dans laquelle il faut s’insérer et attendre. On comprend ainsi que l’on n’est pas encore arrivé au sommet, il reste presque un tour de spire. Mais l’œuvre que présente Turrell est totale, collective, l’environnement ne compte pas moins que les installations elles-mêmes, puisqu’en s’insérant dans l’espace contraint du musée la spiritualité qui englobe d’habitude les installations de l’artiste perd son caractère intime. Plongé dans la promiscuité autant que dans la lumière, on se croit pénétré dans une cathédrale en plein Moyen Âge, les badauds arrivent de toutes parts pour la révélation, mais ici point de chaire, point d’orateur, seule la lumière blanche. Blanche comme l’est Iltar 1976, similaire à de nombreuses autres œuvres de l’artiste, conservant malgré les répétions son magnétisme pareilles aux reliques de saints, multipliées à discrétion, par simple contact.

De retour tout en bas, au cœur d’Aten Reign – l’installation spécifiquement crée pour l’occasion là où les attroupements sont les plus intenses –, pour peu que l’on s’y attarde, les couleurs se mettent à glisser, elles alternent très lentement du rose au rouge, du gris au bleu, de la pénombre à la clarté. Il faut jouer des coudes et de diplomatie afin d’obtenir une bonne place ; un 14 juillet n’aurait pas fait mieux.