Souvent le dialogue art et science est occupé par des artistes soucieux de donner une part tangible à leurs travaux. L’exposition proposée par la commissaire Milica Pekić à la Gallery 12 à Belgrade renverse ce point de vue en invitant trois professeurs d’université : Branislava Stefanović, Miomir Mijić et Dragana Šumarac Pavlović. Avec pour simple objectif de mettre en avant la beauté de phénomènes habituellement peu visibles. Non pas comme une révélation, la trivialité des gestes opérés n’invitant à aucun moment à une sublimation du quotidien, mais plutôt comme une mise en relation de choses sérieuses avec d’autres divertissantes.

Le parcours est constitué de trois dispositifs. Trois astucieux morceaux de bricolages qui nous ramènent à la fois à l’émerveillement éprouvé à la Cité des Sciences lorsque nous la découvrions enfant pour la première fois et, en même temps, à la moue dubitative qu’à peine plus tard, pré-adolescent, nous arborions confrontés aux premières démonstrations d’algèbres qui nous étaient professées. De la magie de la Cité des Sciences, elles arborent l’autorité sereine des propos qui ne nécessitent aucun titre pour être parfaitement compris, des salles de classe une flagrante dichotomie entre jugement esthétique et visées pratiques.

Dans la première installation, les visiteurs sont invités à manipuler les fréquences d’un oscillateur branché sur un haut-parleur de sorte à explorer l’effet des ondes sonores sur une poignée de sable répandue sur une plaque métallique. À mesure que l’on distord le son, on peut voir les grains se mettre à frémir puis à littéralement danser en rang et exécuter des figures complexes dignes des défilés militaires en Corée du Nord. La joie de ce frétillement est proportionnelle aux hurlements du haut-parleur auquel on arrache des cris que l’on croit volontiers de douleur, tant et si bien que, rapidement, le plaisir du visuel devient presque sadique. Dans la seconde installation, c’est le public qui est amené à hurler afin d’actionner un écho qui se diffuse au travers de cloisons et de fenêtres en direction de l’extérieur. Enfin, dans la troisième pièce, on tripote une substance blanche versée sur la membrane d’un grand haut-parleur caoutchouc. Les pichenettes que l’on lui donne l’animent au rythme des vibrations du son la transformant en étranges formes organiques qui se tortillent et s’invaginent avec une frénésie quelque peu dégoûtante. Ici encore on est aisément capté par le dialogue entre l’œil et l’oreille auquel s’ajoute la main que l’on plonge dans ce matériau qui, traversé par les ondes, abolit la séparation entre consistances liquides et solides.

Un technicien offre des réponses aux questions, mais il n’est pas interdit de se contenter de rire.