Méthodique dilettante, Martin Barré a toute sa vie exploré les possibilités du choix forcé. Sa peinture se regarde comme des résumés d’effeuillages cartésiens dont il chasse un à un tous les éléments, pour in fine ne conserver que la trace de cette chasse. Les années 70 seront pour lui un moment charnière, il y ébauche ses toiles en plan d’attaque : traits de coupe, niveaux, élévations et bases géométriques occupent l’espace, mais sans affirmation, avec une douceur qui divague, mal assurée et prête à renverser toute idée trop logique tentant de s’imposer sur la toile. Ces œuvres, tout en étant indépendamment abouties, sont des morceaux de la mosaïque globale ordonnée par l’esprit comptable de Martin Barré.

Cela donne des carrés d’un blanc cassé, vieilli, presque beige – coquille d’œuf comme on disait autrefois. Ils sont rayés, hachurés, marqués à la main de nombreux repères, de la même manière que s’ils étaient les ébauches partielles d’une ambitieuse architecture, un plan d’ensemble, dont les seuls détails n’en permettent pas la compréhension, mais qui restent malgré tout suffisamment lisibles pour livrer à l’observateur le rêve moderniste du projet.

Ainsi, lignes au pinceau et zones plissées, peints, repeints et repentirs – tous plus ou moins visibles – plus ou moins décidés –, se cachent en transparence comme si leur présence ne tenait qu’à un fil. Sur ces fonds fragiles comme du papier recyclé, usés par une méthode qui tient autant à la stratégie d’une partie d’échecs qu’aux ratures nerveuses d’un brouillon parvenu à l’épuisement de ses possibilités, Martin Barré s’applique à ratisser la surface picturale, à en draguer les scories, et éliminer les malentendus. Bien que très simples, les moyens de ce minimalisme se chargent d’une vérité fantasmée, une vérité d’archiviste, de calculateur maniaque qui n’existe réellement que parce que face à ces documents l’éventualité d’une trouvaille – même infime – vaut largement d’ouvrir la porte à la « cosa mentale ».