Le petit espace qui ouvre l’exposition d’A. K. Dolven au Centre de création contemporaine de Tours est recouvert des mots et des lignes que l’artiste a utilisés pour la concevoir. C’est un nuage de signes à peine lisibles qui virevoltent du sol au plafond sans que l’on puisse réellement s’en saisir. Au milieu de ces ellipses de pensée est accrochée un seul élément tangible, une peinture. Elle consiste en un fin biscuit blanc nacré où apparaissent par transparence des cercles bleutées, semblables à des traces de fumée prises dans une porcelaine opaque. L’association de cette forme brute à ces marques d’explication est un avertissement aux commentateurs trop rapidement tentés d’interpréter les dimensions verbale et sensible de son travail.

Sortie de ce préambule, l’exposition se poursuit avec des vidéos. La première, Vertical on my own, projette sur toute la longueur de la salle l’image d’un sol enneigé, coupée horizontalement en son centre par une ombre, que l’on découvre progressivement être humaine. Sans que jamais n’apparaisse la personne qui piétine à sa base, la forme se déplace, elle oscille et se transforme et s’agite. Dans cette danse elle est accompagnée par un son guttural qui grince comme geint une porte de volet que l’on rouvre lentement après de longs mois de fermeture.

Plus loin, le bruit émis par une autre œuvre attire l’attention par l’entêtement de son protocole. Dans Ja as long as I can, deux voix psalmodient la même syllabe, l’une masculine et l’autre féminine. Ayant été enregistrées séparément, elles se superposent sans dialoguer. Pourtant, à force de répétitions et d’alternances, les sons finissent par se transformer et s’associer dans nos esprits pour créer de toute pièce un échange sensuel. De même que dans la première salle, lisible et flou deviennent inséparables, les sons se mettent à converger, aimantés par un mirage auto-satisfaisant nourri de sensiblerie.

C’est dans cet état d’esprit que l’on aborde l’installation When I discovered the end I wanted to live really long. Celle-ci est formée d’un espace constitué par deux cloisons se rejoignant en entonnoir. À sa pointe vibre un écran blanc où se dessine un paysage à peine lisible. Il faut faire le tour du dispositif pour trouver la source de l’image qui est projetée depuis l’extérieur, au travers de l’écran, dont on comprend alors la nature translucide. L’œuvre est mystérieuse. Sans rien cacher de ses rouages, elle ne révèle que peu de choses, comme si son action n’était pas tournée dans un but précis, mais fonctionnait de manière autonome.