Visite en sous-sol — outre sol disent les deux organisateurs. L’exposition a lieu dans une authentique garçonnière gothique, cave tapissée de velours rouge, qui lui donne des allures de cabinet d’alchimiste comme on en pas vu depuis le xviie siècle. Ici les œuvres des cinq artistes invités n’ont rien d’un décor, l’espace leur appartient aussi sûrement qu’elles semblent appartenir à ce souterrain voûté où rien n’est lisse. Les effets de surface sont très présents ; les murs en pierres, le sol, les éléments de mobilier, toutes les surfaces sont mobilisées par la sélection opérée par le duo de commissaires, elle s’y ancre telle des mousses et des anémones de mer pour former un robuste corps à corps à la frontière de la fossilisation.

Ainsi, le bocal que remplit cette faune rampante est parcouru des flux d’échanges entre les pièces.

Dans ce biotope, l’œil est d’abord attiré par la Composition aux cuivres délicatement gravée d’arabesques florales d’Anne Laure Sacriste. Ce sont de grandes plaques métalliques que l’artiste plie et agence, et autour desquelles circulent des sphères en verre où se démultiplient les reflets et les contrastes. Il s’en dégage quelque chose de technologique, de légèrement maléfique, qui rappelle l’inquiétude distillée par les vieux films d’exploration interplanétaire quand on les revoit après de longues années d’oubli. Ce sentiment d’étrangéité répétée est accentué par deux gravures que l’artiste a disposées sur un meuble non loin, tels des souvenirs encadrés pour la postérité d’un moment d’angoisse que l’on tait, mais dont pour rien au monde on ne voudrait se séparer.

Les peintures pâles et grises de Mireille Blanc sont, elles, pleines de réminiscences biologiques. Elles sont suspendues tels des pièces de chair scrutées et observées, vidées de leur sang et de leurs fluides avant être laminées. Ces détails de peau, travaillés par la main implacable de peintre tanneur avide de surfaces, sont choisies pour leurs plis et leurs cicatrices que la peinture achève de momifier en en extrayant méticuleusement toute parcelle de vie pour la remplacer par une huile épaisse qui les épouse avec emphase.

Dans une seconde salle, huit céramiques de Florian Bézu ont été rassemblées sur un bureau comme pour une partie de « Donjons et Dragons ». Ces petites grottes dessinent un paysage fantastique fait de monts et de vallées prêt à être investi par la guerre. Mais ici tout est calme, les seuls personnages sont ceux que comporte le papier peint Marvel que recouvrent les reliefs. D’ailleurs, après un moment passé à les observer, à s’habituer à l’endroit, ces céramiques dérivent dans l’esprit pour se rapprocher des paysages de papier kraft moucheté aux couleurs improbables sur lesquels on construit les crèches de Noël.