Les œuvres de Steven Parrino orchestrent une contamination visuelle comme peu ont su le faire. Entre ses mains, les surfaces se recouvrent d’une peinture noire gluante et sans reliefs au pourtour de laquelle le regard se colle et s’empêtre avec une facilité déconcertante. À cette attraction de forcené sont associées des formes d’une géométrie sans simplicité ; des formes que l’artiste choisit pour leur beauté et leur plastique fonctionnelle ; ce ne sont parfois que des rectangles, mais dans ce cas ils ont des proportions de portes de bureau ; ailleurs, des triangles, des cercles, la silhouette d’une fresque de Léonard de Vinci, le majeur de Johnny Cash … Tous sont des matrices que Parrino enduit scrupuleusement d’une pellicule noire, lourde et grasse comme de la poix, et que souvent – comme dans 13 Shattered Panel (for Joey Ramone) – il défonce à coup de pied.

L’intelligence de l’exposition qui présente ce travail américain est de le mettre en perspective avec ses aînés européens.

Tout d’abord Simon Hantai, dont Meun renvoi aux Nu bleu de Matisse. Mais un nu de carnage, sans tête et dont le bleu se serait décomposé en un vert foncé. Un nu révulsé de partout, plié, découpé, non figuré, silencieux au milieu des traces de lutte abandonnées sur la réserve écrue de la toile. Et c’est ainsi que, contre toute attente, ce que ces deux artistes ont en commun n’est pas le pli, mais la trace de la gifle qui reste une fois la main ôtée.

En face à face, BMTP impose un cruel folklore de plage : couleurs pastelles et rayures offertes à la mer et au mistral comme dans les plus belles heures tropéziennes. Entres elles, ces surfaces conversent avec la malice connivente d’un vendeur de chichis qui tchatche une marchande de glace ; rapportées aux œuvres de Parrino, c’est Sixties dorées contre Punk. Et dans les deux cas, une fois occultées les couleurs rose, jaune ou noir, le blanc qui reste est pareillement devenu pisseux.

L’exploration continue avec Martin Barré, mais là le cadrage se décale, le motif n’est plus au centre, il est présent comme parfois le sont des inconnus sur une photo de vacances, on ne les reconnaît pas, ils apparaissent comme des coïncidences sur la surface. Entre ces signes, l’artiste prévoyant comme s’il savait que le temps le rattraperait, a recouvert la surface de ses toiles d’une glaire coquille d’œuf.