Après la visite de l’étendue noir et blanc du Palais de Tokyo et sa déclinaison clean au Grand Palais, l’exposition du travail de Julio Le Parc à la Galerie Bugada & Cargnel a un air printanier déroutant. La visite est brève, essentielle et constituée de tableaux rassemblés en une salle dont on ressort bousculé, giflé.

Les tableaux sont conçus à partir d’alternances de couleurs – quatorze – que l’artiste combine et associe pour former de larges étendues, jaunes, bleues, vertes et rouges projetant l’observateur dans l’été des plaines américaines ; sous le soleil incandescent de la moisson, entouré d’une terre mécaniquement fauchée où tout est productivité, rationalité, organisation de l’espace et démesure.

L’exposition sent le maïs frais.

Sous un ciel bleu cobalt virant la nuit au violet et à l’écrevisse, des épis jaunes, bordés de lames vertes hérissent l’espace horizontal et infini qui s’ouvre devant nous. La course dans ces champs est illimitée, sans fin, on s’enfonce et accélère à en perdre haleine, et plus la vitesse de l’œil augmente, plus les quadrilatères de peintures aiguisent leurs facettes colorées : le regard devient psychotrope.

Ce sentiment est d’autant plus fort que les effets de distorsion du regard induits par les trames utilisées par l’artiste donnent un vertige proche de celui que l’on ressent lors d’un vol rasant ; on se croit dans un ULM, sous petit vent, quand l’étendue devant soi est tellement nette que la moindre variation d’altitude fait craindre le pire, que le cœur palpite, que l’on ressent presque la végétation sous son ventre, portée par la vitesse et le bruit des hélices. Ailleurs la sensation est plus terrienne, comme sur le capot d’une moissonneuse-batteuse lancée à vive allure dans les sillons chargés de céréales, soulevant autour de soi un formidable nuage de poussière composé de dégradés de terre, de végétaux secs, verts et jaunes, brulés, que transpercent d’épais rayons de lumières rectilignes comme des accusations.

C’est abrupt et sec, ça cède sous la dent comme un épis bien mûr.