L’espace biscornu qu’occupe l’exposition parking de Cady Noland au FRAC Bretagne à beau être ouvert sur l’extérieur, le travail de l’artiste ne démord pas du froid glacial qui le parcourt. Pris dans ce véritable hymne à l’acier galvanisé, à la rétention par la tubulure, au partage pour régner, le regard se gerce le long des armatures, glissant au-dessus comme s’il était menotté à une rampe, contraint par ce fil d’Ariane tautologique qui nous entraine sur nos propres pas, protégé : parqué.

Pourtant, et c’est ce qui surprend le plus dans ce manège, c’est l’absence des murs. Tout est butoir dans l’œuvre de l’artiste, mais rien ne retient l’horizon. À vrai dire, il n’y a qu’à donner un coup de reins pour dépasser du regard ces signes de l’enfermement urbain que sont les grilles, les pare-buffles, et les panneaux publicitaires ; car ils ne sont pas là pour enfermer le regard mais pour contraindre les corps. L’œil est libre, même si le froid du métal ne le laisse pas indemne. Ce sont les corps qui sont atteints, petit à petit automatisés dans leurs mouvements, et dont l’articulation majeure devient le cou, cette rotule formidable qui il n’a qu’à se dresser ou se courber pour être à la merci de tous les signaux, de tous les hameçons, de toutes les brimades et les humiliations.

Tout ça avec si peu se dit-on ; Industrial Park, c’est cinq mètres cinquante-deux de grillage tendu dans un quadrilatère d’acier comme il y en a partout aux États-Unis, autour des terrains de sport, des écoles et des bâtiments sécurisés. Il ne découpe pas l’espace, mais crée deux moments, l’œil transperce la grille et va mourir un peu plus loin puisque déconnecté des mouvements du reste du corps qui lui fait le tour, contourne cette grille, sans oser s’y frotter.

Plus loin, c’est un déambulateur en aluminium qui est proposé. Il est chargé d’objets ; parmi eux, on reconnaît un drapeau roulé sous un blister qui attend son heure. Objectification Process semble être à la taille d’un enfant, d’un nain ou d’un vieillard, tellement handicapé par le poids de la vie qu’il ne peut plus se déplacer autrement que plié en deux, tel un portefeuille dont la fonction se limite à suivre le bégaiement des sorties et des rentrées d’argent.

À une hauteur qu’aucune de ces personnes ne pourrait atteindre est accrochée Awning Blanks ; c’est une structure de métal renforcée, aussi bien prête à repousser une foule qu’à dresser un chapiteau pour un meeting. Car il faut bien avouer que, dans ce monde, un couloir de la mort ressemble drôlement à un coin de parc de stationnement.