Comme souvent avec le duo Dewar & Gicquel, la première appréhension de leur exposition au Palais de Tokyo est une surprise désamorcée. Dans la première salle, ils démontrent, encore une fois, leur capacité à brouiller les pistes de perception de leurs œuvres. Les artistes y ont installé trois groupes de sculptures en grès, posées sur des blocs de bois massifs. Les morceaux de bois, gros comme des billots, n’ont probablement pas dû être débités de longue date ; de cette matière refoule une odeur très prenante, une odeur fermière, cet incomparable parfum de fin de vie, mi-végétale mi-animale, caractéristique de la sève qui durcie dans les troncs à sécher. Impossible pour le visiteur de défaire le lien entre cette présence, dont on devrait pourtant envisager le hasard, d’avec les Céramiques posées sur les socles : bidet, lavabo, chiotte, tous poussent les réflexes et les habitudes à nous faire patauger virtuellement dans du fumier.

Dans une seconde salle, bien plus grande, les murs ont été couverts de projections de courtes vidéos. Ces petites boucles, appelées GIFS animés, mettent en mouvement des tas de sable au milieu d’un parc forestier. De ces tas, les artistes extraient tour à tour, une vache, une famille de porcs, des personnes nues, dont une casquée et quelques autres palmées, et bien d’autres sujets. Toutes les vidéos sont animées en même temps, et en permanence. Parfois de manière totalement surréaliste, parfois parfaitement anodine, elles forment entre elles un continuum de micro événements auxquels on pourrait prêter l’intention d’une séance de visionnage de vidéos de vacances ; des vacances au bord de la mer, à la campagne, chez les grands parents, sans enfants et totalement bordéliques. Or, il ne s’agit que de sable, et tout ce que fabriquent Deward et Gicquel est voué à disparaître de façon aussi irréversible que les châteaux faits à la plage sont invariablement engloutis par la marée remontante. Feu ces sculptures continuent pourtant à nous rappeler leur naissance ludique, un jour de ciel gris, mais dont les GIF démentent, et démentiront encore, cette météo avare de promesses.