La rétrospective de Julio Le Parc au Palais de Tokyo a quelque chose de forain, une grande fête en noir et blanc, sobre et relativement silencieuse. Relativement seulement, parce que l’œuvre qui amorce le parcours, sorte de sas où les visiteurs sont invités à se frayer un chemin parmi des miroirs en suspension, vaut surtout pour le rire des enfants qui s’y précipitent avec délectation ; des rires donc, mais parfois aussi des pleurs, un retour de pale un peu brusque, et l’accident arrive.

Viennent ensuite les Formes en contorsion. Le plus souvent, ces œuvres sont constituées de lames métalliques disposées sur un fond. Elles ondulent au rythme lent des petits moteurs en rotation qui les actionnent à l’aide de bielles. Les lames, souples, se déforment, enflent et s’effondrent, pareilles aux vagues et aux rouleaux qu’incessamment les rivages attirent à eux. Ces mouvements ont la même part d’irrationalité que la mer ; mais ici tout est lent, la cinétique de Julio Le Parc n’a rien de stroboscopique. Lente, avec juste ce qu’il faut d’indolence pour marquer le pas sur celui ses visiteurs, qui eux s’agitent comme des anguilles dans une nasse à chaque opportunité donnée de pénétrer dans une œuvre.

Ainsi, de bout en bout, l’exposition est plongée dans le noir, une obscurité troublée par les reflets lumineux, quasi aquatiques, que créent la plupart des œuvres présentes. Tant et si bien que, rapidement, l’impression d’être dans un aquarium transforme la visite en une expérience totale. Nous sommes au cœur d’un de ces mastodontes, échoués dans le béton et l’humidité, où presque tout devient suspect ; le sol, les murs et les parois doivent être évités, il faut aussi se méfier des autres personnes, garder un œil sur les enfants, naviguer entre les reflets et les œuvres qui, pareil aux poissons et crustacés, ne semblent jamais avoir envie de jouer la comédie, trop parfaitement conscient de l’incongruité de leur existence, ont une mine infiniment trop sérieuses pour ce cérémonial.

Mais ici point d’empathie, la tristesse des automates n’est pas de mise. La mélancolie que le visiteur à l’arrêt perçoit n’est autre que son propre reflet au milieu du ressac des lumières dans le noir.