La Galerie Bernard Bouche présente un ensemble de Lignes-Reports de Jean Degottex. Ce sont des œuvres austères, qui se tiennent droites, un brin provocatrices, dans l’espace alambiqué de la galerie. Outre leur appartenance à une même série, ces peintures ont en commun une contrainte horizontale, quelque chose en elles, une sorte de mécanisme, actionné par un niveau à bulle têtu, qui contredit toute tentative verticale, même quand le format du tableau s’efforce de l’annoncer.

Cette contrainte est due à leur surface. Elles portent des marques de plis ou de bords qui les barrent de gauche à droite et inversement. Ces reliefs peuvent être fins et imperceptibles, ou plus appuyés ; l’artiste les a appliqués régulièrement, dans un geste que l’on imagine semblable à celui que l’on effectue lorsque l’on rabat à la chaîne les collants d’enveloppes pour faire-part, activité sans gratification, mais dont l’empilement systématique donne forme à un accordéon de destinataires dont la gerbe penchée vaut toutes les architectures contemporaines.

Le rez-de-chaussée de la galerie est occupé par deux peintures. La plus grande, Report ¾ Terre datée du 16/02/1981 est dominée par d’importants pans marron qui la découpent en trois parties verticales et inégales. L’artiste réalise ici une sorte de contreplaqué de peinture, la gaufrure de la surface résulte du collage d’une toile préalablement marquée sur une autre tendue sur un châssis. La toile brute, colorée d’un jus mât et lisse, conserve apparente la rugosité difforme d’un tissage serré et ébouriffé, qui lui donne une rudesse et une dignité toute néanderthalienne.

La veille, il exécute Ligne-Report-Noir ; une autre très grande toile dressée où s’inscrit un rectangle gris sur un fond noir strié horizontalement. On y perçoit plus de minutie, plus de calcul, l’artiste y dépose toute sa volonté en un effort de concentration qui le retient à la lisière du cognitif et du rétinien. L’allant dans la matière, qui caractérise l’œuvre réalisée le lendemain, est ici encore compris dans une dialectique entre la forme et la surface.

En face est accrochée une peinture beaucoup plus petite, claire, mais sans lumière. Elle est constituée sur un support en bois dont on devine la couleur chêne sous les bandelettes écrues qui l’emmaillotent. Les bandes de toile semblent avoir été stoppées au point où elles allaient se dénouer et laisser à nu la planchette. Nu que l’on ne découvre vraiment qu’avec le Report-Noir du 09/06/1977 ; carré quadrillé, qu’entoure en son milieu, une jarretière noire.