Le Passage Sainte-Croix à Nantes présente deux séries de lithographies d’Alfred Manessier. Deux ensembles sur le thème de Pâques réalisés à presque trente années d’intervalle, soit la moitié de la carrière de l’artiste. Le parcours est initié par Salve Regina, une peinture de 1945 antérieure aux lithographies. L’œuvre est structurée par des formes verticales qui font contraster les couleurs entre elles, aiguillant le regard dans un flux allant du haut vers le bas, sans lui permettre de se concentrer en un point particulier. C’est en suivant cette direction que l’on découvre le contour d’une petite croix bleue peinte dans le premier tiers de l’œuvre, profession de foi et seul élément figuratif de la composition.

Dans les Sept lithographies sur le thème de Pâques daté de 1949, plus aucun signe n’apparaît. L’ensemble est constitué de pures abstractions au dessin franc, concentré en une palette restreinte où le noir est très présent. L’artiste s’en sert pour construire des grilles au travers desquelles les autres couleurs se diffusent. Elles les consument de toutes parts, sans à-coup ni hargne. Les couleurs brûlent d’un feu léger et doux ; un feu qui vient vers l’observateur et se propage comme un lever de soleil sur une nuit tiède. Il y a dans cette série quelque chose de timide et de ferme à la fois, quelque chose d’implacable mais sans extraversion.

Les Quinze lithographies sur le thème de Pâques réalisées en 1978 sont très différentes. Non pas seulement en raison des évolutions stylistiques de l’artiste, mais aussi par les variations que leur perception opère. Dans ces images, le noir est encore plus présent, il est beaucoup plus vif, presque arraché. Il devient lui-même le feu qui irradie la vision du miracle. Les coups de crayons essentiellement rouges et bleus zèbrent la surface d’explosions, fluides et pleines. Ici, il y a un véritable raz-de-marée de projections qui s’effritent en de nombreux embruns, se démultipliant en une profusion de souffles, qui viennent vers chacun de manière presque individuelle. Au contraire de la première série où l’ensemble faisait bloc, la seconde semble illustrer une pluralité d’allants, tous différents mais dans une même direction. C’est ainsi que chacun préfère une lithographie plutôt qu’une autre, alors que toutes se ressemblent et sont unies dans une même lumière.