Passages croisés en or est une intervention spécifique de Sarkis pour la chapelle du château d’Angers. L’installation qui remplit plus de la moitié du volume sous la voûte est constituée d’échafaudages disposés comme s’ils étaient destinés à préparer une rénovation. Chacun des montants et des traverses de cette structure a été doré à la feuille. D’infimes pellicules de métal sont posées à fleur sur la tubulure métallique ; elles s’hérissent délicatement à sa surface et donnent à la structure un air travaillé, sensiblement boursouflé, presque baroque. Là où les tubes se croisent, les feuilles d’or se plissent et se froissent, formant l’amorce d’un bouquet. Riches de cette garniture, les intersections prennent l’air de folles feuilles d’acanthes.

Mais contrairement à celle qui chapeaute les colonnes classiques, cette végétation ornementale n’est soutenue que par l’étroite tubulure d’un échafaudage de chantier. À mesure qu’il se dresse pour grimper en haut de l’édifice, le regard s’inverse. De simple ustensile de maçonnerie, il s’élève à la dignité d’une grille de château marquisat.

Au sol, l’œuvre dessine un carré creusé de deux passages croisés qui forment ensemble une croix grecque. Il est interdit aux visiteurs de s’aventurer dans ces travées. Tel un garde-corps, l’échafaudage les empêche de s’écarter du chemin de visite qui a été choisi pour eux. Sauf qu’ici, ils ne sont pas écartés des murs, c’est tout le contraire, les visiteurs sont contraints que de longer les cloisons défraîchies de la chapelle. Comme si Sarkis voulait leur mettre le nez dessus, les forcer à entrer en contact avec la pierre et les fresques. L’échafaudage, de même qu’un autel, organise la répartition des fidèles. Il est à la fois un symbole de la dégradation du lieu, de sa sécularisation, et en même temps il occupe l’espace, il pousse les visiteurs hors du cœur qu’il re-sanctuarise par sa présence dorée.