Sur la rue Saint-Séverin, juste en face de l’église du même nom, donne Un jardin clos. Dans celui-ci, on reconnait la figure agenouillée d’un ange au profil parfait. Gabriel vient annoncer à la Vierge Marie sa destinée. Il a un port gracieux et baisse légèrement la tête. Nul besoin pour lui de voir ou d’entendre. Ce qu’il a à dire ne saurait passer par un des cinq sens. C’est d’ailleurs la position dans laquelle Eva Nielsen engage l’observateur. La composition choisie pour cette peinture ne fait pas apparaître la Sainte. Le choix est radical, De Vinci amputé, et son Annonciation, qui a servi de modèle, ramenée à la figure du messager.

Alors que dans le lointain, une ligne de cyprès donne une certaine stabilité à l’image, l’ange, semble suspendu dans le vide. Autour, tout chancelle. Le parterre d’herbes et de fleurs, strictement ordonné par le maître florentin au 15e siècle dans l’original, a disparu. Même les ailes ont disparues. Malgré cela, la trame sérigraphiée qu’Eva Nielsen sur-imprimé sur la toile retient le regard de basculer. Elle se laisse traverser mais garde l’observateur à distance. C’est comme si cette grille irrégulière était à la fois au pourtour du jardin et en son cœur. Elle est structure et peau. Par moment, elle donne le sentiment de disparaître, de se dégrader, de s’enfoncer en elle-même. Là où les points noirs se tendent, se distendent, et jouent avec l’optique, la barrière devient complexe. Purement picturale.

Ainsi, tout comme il s’est asséché au point de voir disparaître fleur et gazon, le jardin clos que construit l’artiste se vide de religiosité. Dans cet espace peint, l’annonciation devient presque une chute, une bascule. Pour autant, il reste plein de spiritualité. La lumière jaune et crépusculaire, qui baigne l’œuvre par en-dessous la trame noire, est chargée d’allant. Elle irradie du tableau.