Dans la peinture de Philippe Cognée, les couleurs sont très pures. Elles ont un aspect épais, patiemment tartiné. Elles s’associent, se croisent, et s’entre-zèbrent, mais ne se mélangent pas, ou peu. Seulement par endroits, telles des infiltrations racinaires, avançant aveugles et incertaines en milieu outremer, de fine pousses associent entre elles les teintes pour en tirer la plus probable des couleurs, le marron.

Il y a une certaine tectonique des plaques dans cette manière si particulière. Pris séparément, ces aplats ont des formes qui font penser à des tracés géographiques. La surface de la toile peut alors être observée comme autant de pays séparés par des frontières, et bordés par des rivières. Dans ce damier, certaines couleurs sont plus présentes, plus expansives ; on songe au blanc qui, chez cet artiste, a une texture extrêmement fine, claire et compacte. Fréquent, il résiste mieux au traitement arraché et parfois fracturé qu’emploie Cognée pour faire apparaître les images.

Les tableaux de l’exposition à la Galerie Daniel Templon représentent tous des architectures. Ce sont de petites constructions arrangées selon la règle des parpaings, des briques et des carrés de faïence. Ce type de sujet permet de créer des réseaux et des horizons, que la technique de l’artiste ramène tout d’un bloc au premier plan. Ce plan qui se dresse dans l’ondulation lisse et plane de la peinture, devient alors un signe, une direction. On en revient à la carte, à la géographie. Pourtant, à regarder les œuvres, la métaphore se complexifie encore un peu. Car même si le sujet de l’image finit par ne plus réellement avoir d’importance, celui-ci n’est pas moins existant, et quand on voit sur le mur l’image d’une paillotte ou celle d’une cabane grise, il est impossible de ne pas songer à leurs origines. La question a d’autant plus de sens que toutes les peintures présentées ici partagent peu ou prou le même sujet. Le tableau apparaît alors comme une carte ornée d’un indice sur elle-même. Autrement dit, un sujet enchâssé dans sa grammaire.

Pour autant, ces cartes sont toutes plus ou moins semblables. La gestuelle de repasseuse de l’artiste aplatit au sens propre comme au sens figuré et rien n’est plus aisé que de divaguer à la surface de ces plats pays.