Tout au fond de la galerie laurent muller, caché derrière une double tenture d’un bleu incertain, Jeongmoon Choi a installé Folding surface 6.9. Il s’agit d’un dessin dans l’espace. La pièce est remplie de fils tendus entre les murs, le plafond et le sol, rendus fluorescents par la lumière UV qui les irradie. Le dessin est constitué de deux épaisseurs de fils. Les plus fins sont disposés parallèlement, de sorte à former de larges rubans visuels, longeant et rebondissant sur les parois. Parmi eux, de plus gros fils marquent des segments. Comme ils ne sont jamais blancs de bout en bout, ces lignes flottent dans l’espace, leurs parties noires se fondant dans l’obscurité de la lumière UV. On voudrait pénétrer l’installation. Mais l’on est un temps retenu par l’étrange sensation que cette cage, trop fragile pour barrer la route à qui que ce soit, pourrait ne pas nous retenir dans ses filets. Une fois dedans, entouré de ces brins de lumière violette, la sensation d’enveloppe cristalline joue avec nos sens. Étrangement, c’est vers l’ouïe que dans ce silence tous convergent. L’espace devient musical. Et à la rigidité visuelle de science-fiction de l’espace vient s’associer le sentiment d’une harmonie souple et légère, comme si nous venions de pénétrer une harpe géante.

L’exposition présente aussi plusieurs pièces plus simples. 8.9 est un canevas tendu dans un châssis comme pour du point de croix. L’œuvre, à l’échelle d’un homme, est posée au sol. Les fils qui en construisent la trame sont de trois couleurs, vert pour les plus serrés, jaune pour les plus larges, rouge pour l’unique ligne verticale qui coupe en son centre ce dessin minimaliste. En s’éloignant un peu, on découvre que les fils dessinent une forme. L’archaïque mécanisme de broderie contient un graphique pyramidal. Il a l’allure d’une toupie, celle si caractéristique qu’adoptent les mesures de tranches d’âges dans les sociétés occidentales, maigre à la base et au sommet, large en leur milieu. Celui-ci pourrait être une mesure, un relevé, mais rien ne nous indique vraiment ce qu’il faut lire ni même s’il y a réellement matière à lecture. L’œuvre joue finement sur la frontière de la surinterprétation

À l’étage de la galerie sont rassemblés les petits dessins que l’artiste tisse sur des feuilles colorées. Ils représentent des formes géométriques, dont les formes, souvent très simples, parfois un peu plus complexes, renferment à chaque fois un piège visuel créé par l’association de l’imperceptible épaisseur des fils superposés et des volumes que l’artiste simule avec. Ces objets ont donc une profondeur, tout en étant des illusions de profondeur. Dualité qui se démultiplie dans l’œil de l’observateur qui, en se déplaçant, ajoute sa propre dimension à celle de l’œuvre.