Le travail de Geneviève Asse se construit sur un fil. C’est une ascèse, qui la conduit de la figuration à l’abstraction, des petits objets en intérieur aux grands ciels bleus et droits qu’elle fend comme des draps, d’un coup de lame. Ses couteaux, elle les manipule en Bretagne, la dame n’a guère le goût de l’exotisme. La courte exposition que présente le musée Fabre à Montpellier reprend, sans le simplifier, ce cheminement.

Il débute avec Les boîtes bleues. Dans un recoin gris et blanc se serre une pile de boîtes fermées, superposées. Ensemble, leurs pans – à peine plus colorés que le fond qui les recueille – forment une mosaïque pyramidale. La trame de la toile affleure à plusieurs endroits, à d’autres, les poils du pinceau ont laissé des marques qui ressemblent à des effacements. Dans ce calme, la peinture ne semble être qu’un succinct clignement d’œil.

Dans cette œuvre, les signes ont encore un nom. Mais très rapidement, les mots se perdent et les objets disparaissaient du travail de Geneviève Asse. Ne reste alors que l’espace, éternellement gris et blanc, sur lequel se pose un doux voile bleu.

En 1994, Sans titre n’est plus qu’un léger passage de pinceau où s’ajoute le tracé de lignes droites et d’un crayon gris qui charpente sans effort le travail de l’artiste. Ici encore, la toile affleure un peu, mais presque plus, on ne la devine qu’à moitié, en s’approchant. La toile, qui semble porter une fine peau de peinture quand on l’observe de loin, fait corps avec elle du moment que l’on se trouve trop proche pour la voir en entier. Les plaques et les superpositions, qui étaient autant de pansements et de gazes dans les boîtes bleues, ont disparu. Le traitement devient chirurgical, fait sans hésitation, la lumière n’est pas recherchée dans l’acte de peindre, elle devient une conséquence de cet acte. Par moment, cette lumière devient minéralité, elle donne à l’observateur l’impression d’être au milieu des ruines d’une station thermale. Seules les pierres, encore rectilignes, sont figurées et sur elles seules le passage des eaux imprime une marque. Tout autour, et ce sans que l’on puisse le voir, l’édifice a disparu.