Que sont les photographies de Laura Henno ? La question saute aux yeux dès que l’on aborde l’exposition de ses travaux à la Galerie Les Filles du Calvaire. Est-ce un reportage ou une fiction ? Sont-elles des traces face auxquelles on peut se positionner, ou plutôt des images qui invitent à les dépasser. La réponse sera peut-être donnée à ceux qui poseront la question.

Le rez-de-chaussée présente plusieurs portraits. Ce sont majoritairement des filles, de jeunes femmes, qui posent pour l’artiste. On les découvre arrêtées dans un paysage sans relief, au milieu de fourrés. Elles regardent ailleurs, mais sont terriblement présentes sans que l’on sache de quoi il retourne.

Les photographies présentées à l’étage semblent plus dissertes. Un groupe de garçons, gère plus que des adolescents, marche en pleine nature. Leurs vêtements sont pauvres, vieux et parfois rafistolés. Souvent, d’une image à l’autre, on ne reconnaît pas les personnages, ce sont les mêmes sans l’être. Jeunes africains, peut-être brésiliens, ils avancent, se baignent, rient, et parcourent sous nos yeux une grande variété d’eaux stagnantes, d’herbes folles et de jungle juteuse. Plusieurs photographies indiquent des incidents, traces d’explosions, personnes aidées pour marcher, groupe planqué derrière une butte. Il y a beaucoup de poussière et peu de haltes, peut-être fuient-ils. Le peu qu’ils emmènent avec eux est empaqueté dans des poches en plastiques ou de maigres sacs à dos d’écoliers européens. Dans certaines photographies, la nuit est tombée, le froid l’accompagne, le groupe se resserre autour d’un feu.

Plus on l’observe, plus cette tribu donne l’impression de ne pas être celle que l’on avait observée dans les premières photos. En reprenant l’ensemble, on finit par distinguer plusieurs groupes. Mais tous sont pris dans un même mouvement de marche, gai et précipité. Leurs conflits se ressemblent, c’est la même guerre, mais pas forcément dans le même camp – voire pas forcement dans des camps ennemis. Ils n’ont pas l’air d’être plus que des éléments épars dans une guerre qui s’étale et se déplace, les forçant à en faire autant.

D’ailleurs, n’y a pas de ligne de front dans ces images, pas d’armes, pas de sang. La guerre que l’on y lit n’a pas de nom, pas plus que les photographies n’en ont.