Alcool et jeux de mots, voilà un agréable engagement pour une exposition collective. Celle qui est donnée à la Galerie Laurent Godin a un air de petite fête pavillonnaire. On y est accueilli par Hotdog dog, le chien gris de Rachel Harrison, qui tient dans sa gueule un sandwich en plastique. Il le tend aux visiteurs, comme une invitation à partager l’enthousiasme qui l’agite. L’offrande, toute symbolique, est parfaitement opérante. Pour une fois que l’on ne se fait pas à moitié sauter dessus par un roquet en manque d’os à rogner.

Clematis campaniflora de John Armleder, témoigne de l’excitation que peut provoquer la perspective d’un réchauffement alcoolique en plein mois de décembre. Ce tableau plein de paillettes, couvert sur toute sa surface par des babioles et bijoux en toc, n’est pas sans rappeler Noël. Au centre, la surface picturale est malmenée, on dirait un cratère, comme si une excroissance de peinture avait grossi puis explosé après s’être pris un coup de coude. C’est toujours le risque quand on donne une petite sauterie.

Au bout de la galerie, Claude Closky organise un Bain de minuit. Pour cela, il a découpé dans des magazines vingt-six hommes et femmes selon les contours de leur nudité. Chacun est disposé au milieu d’une feuille A4, comme s’ils étaient plongé dans un liquide jusqu’à mi-corps. On dirait des boudoirs dans des tasses de thé. La surface du liquide, elle, légèrement ondulée, évoque le peu d’animation qui se passe sous celle-ci. Dans ce nouveau contexte, l’expression des visages, que l’on imagine très bien avoir été sélectionnés pour leur beauté, quand ils étaient encore destinés à orner une page de publicité, semblent maintenant totalement perdus et hors de propos. Ces faces, belles, lisses et désirables, réduites à leur plus simple appareil, deviennent dérangeantes. Elles n’ont plus rien à nous vendre, et nous, plus rien à leur envier. Ce bain de minuit, elles en profitent sans nous, et ce n’est pas plus mal.

En face, Ardoise, une grande toile couleur brique, répond à ces sourires idiots par des rangées d’œufs verts. Ces œufs, John Armleder, qui en est l’auteur, les a disposés avec régularité, deux par deux, sans que l’on ne puisse s’entendre sur un début ou une fin. L’artiste, connu pour ses emprunts et ses digressions dans l’œuvre des autres, n’a pas ici peint d’ardoise, on a plutôt l’impression qu’il en laisse une derrière lui. La question cesse alors d’être « quoi ? » pour devenir « qui ? » : qui va payer l’ardoise ?