Si on la posait sur une carte, la collection des Setari formerait un triangle. Un triangle dont les trois pointes relieraient la France, l’Italie et l’Allemagne. Il résulte de la rencontre avec cette collection à La Maison Rouge quelque chose de très européen, quelque chose de conceptuel et de solaire, de littéraire et de continental. D’ailleurs, on ne trouve presque rien d’anglo-saxon ; rien qui évoque le multiculturalisme des symboles, ni l’Internationale galopante du monde de l’art. Rien, à part, peut-être, le dessin mural de Sol Lewitt, Asymetrical Pyramid, 1986. Mais même là, le polyèdre penché, compact et fragile, mais indéfiniment reconstituable, pousse à un dessaisissement des antagonismes.

L’une des premières œuvres que l’on rencontre est un miroir de Pistoletto, Uomo col panchetto. Sur celui-ci, un homme de dos, penché sur une chaise, renoue ses lacets. Il est vêtu d’un complet gris, silencieux, comme nous le sommes dans le reflet que nous renvoie le miroir. Étiquette et retenue semble-t-il nous dire.

Outre Pistoletto, Vettor Pisani et Ettore Spalletti sont les deux principaux protagonistes italiens de cette collection. Leurs ombres se déroulent dans toute l’exposition. Le premier de part l’intimité qu’il a partagé avec les Setari, notamment au travers d’œuvres comme Viaggio nell’eternità, installation pour laquelle il transforme l’étroit couloir de service de l’appartement du couple en passage utérin immatériel. Les sculptures et les peintures du second sont comme des blocs et des surfaces de pastel pur. Elles évoquent violement l’Italie – les bonbons à la guimauve, et le toucher du calcaire quand il est brut, celui du marbre dépoli.

La pierre et les mots ont une présence toute particulière dans cette exposition. Il y a une persistance de l’architecture, de l’archéologie aussi. Father et Mother, deux œuvres de Sophie Calle résument bien ce sentiment. Ce sont deux photographies en noir et blanc, de grande taille, posées côte à côte, au sol, et cerclées de métal corrodé. Sur chacune, l’artiste a photographié une tombe avec une pierre toute simple, portant uniquement les mentions, Father pour l’une, et Mother pour l’autre. Elles sont disposées en semi évidence, contre un mur mais pas tout à fait dans un coin, la scénographie leur donne une place qui leur est propre, une vraie place. Un peu comme la mort, qui ne se terre jamais mais s’installe là où étaient assis nos parents.

Plus loin, Franz West vient introduire une part de ludique et de tactile dans la visite. Mais comme c’est souvent le cas chez lui, ces dimensions sont mâtinées d’humilité et de simplicité. On trouve quelques chaises bricolées par l’artiste, un Passtücke de papier mâché, quelques dessins et une vidéo montrant l’artiste en train de peindre avec gourmandise une de ses sculptures. Tout ce travail se comprend à l’intersection de l’indigence des matériaux et de la générosité du geste.