Œuvre totale, non-œuvre et morceaux d’œuvres, filiations dans l’obscurité, le travail de Loris Gréaud est de ceux qui, tout en offrant de multiples portes d’entrée à l’observateur, compliquent tout. Un peu comme les deux cents globes de verre qui composent Spores (2012). Chacun clignote selon un rythme différent, ce qui a pour effet de maintenir une lumière constante, mais faible, dans la salle. Baisse de tension, orage, économie énergétique, l’œuvre est une mise en condition, un préambule plein de promesses et d’associations, mais qui ne dit rien. On ne sait ni si ni quand la lumière s’éteindra définitivement.

Frequency of an image (2012) est une installation parcourue par un bruit. Il anime les branchages en plastique d’un bosquet disposé au centre d’une pièce. Tout autour, des fragments de dalles brisées forment une lisière d’ou émerge, par endroits, une lumière orangée. La densité des végétaux ne permet pas de voir ce qui se trouve au centre du bosquet. Le bruit, sec et nerveux, similaire à celui que produisent les antiques balais de genêts quand ils griffent le sol et emportent avec eux la poussière, ce bruit, à quelque chose de concentrique, quelque chose qui densifie l’atmosphère et semble être à l’origine de l’entassement des gravats ramassés autour du massif de bambous. À ce mouvement d’aspiration, s’associe un autre, centrifuge cette fois, et qui semble vouloir s’échapper de cette serre plastique. Comme si ce qui était à l’intérieur, et dont rien ne nous permet de deviner la nature, enrageait de s’extraire, secouant d’un bout à l’autre l’étrange prison végétale.

Tout autour, Nohting left to falsify, canvas edit (2012), est un ensemble d’œuvres accrochées aux murs. Là encore, on ne peut pas vraiment dire de quoi il s’agit, ni même s’il s’agit de quelque chose. Et pourtant, ces relevés de cendres, uniformément noires, comportent à leur surface de nombreuses traces plus ou moins distinctes et identifiables. Des traces de pluie – pluie fine et printanière, pluie brutale et orageuse, pluie de poussière et de gravier –, des traces animales, reste d’un lointain piétinement, d’un attroupement sauvage et qui aurait désormais déserté les lieux depuis longtemps. Ou, tout au contraire, relevé topographique, fine couche de sol prélevée au bénéfice d’une science méconnue.

Le mystère créée par ces œuvres est entièrement factice, factice mais troublant à cause des réminiscences qu’il provoque. Loris Gréaud ne plante aucune graine en nous, il se contente d’arroser celles qui s’y trouvent déjà. Il les asperge, les engraisse, tel un apprenti sorcier concourant pour la plus grosse citrouille d’Halloween.