Le portrait de Madeleine Castaing, (vers 1929) est presque entièrement occupé par la robe rouge écarlate mêlée de vermeil et de garance que l’on voit couler le long des jambes et des cuisses du modèle. Par-dessus, un manteau foncé canalise cette coulée lente et épaisse comme une matière grasse. Le reste du tableau est occupé à structurer la femme. Deux mollets, un demi genou, deux mains et six doigts, une gorge, un visage et ses attributs, une mèche plaquée à droite du front. La bouche est charnue et le regard évasif. Le modèle semble ressentir de tout son être cette robe qui glisse le long de sa peau, s’y colle et  l’emporte presque. C’est long, terriblement long, on a même l’impression que ce mouvement continue et qu’il est condamné à s’étirer pour l’éternité.

La Colline de Céret, (1921). Le petit tableau vertical représente un monticule, une colline. L’artiste en a précisé toutes les viscères, un peu comme s’il avait en tête ce Montparnasse bâtit sur les immondices et les gravas accumulés par la ville de Paris avant que celle-ci ne l’absorbe. Céret est tout organique, c’est une grande bouffe, faite de choux, de poissons et de viandes braisées au sommet de laquelle sont hissées quelques maisons que l’on ne distingue presque pas. Tout ce que l’on voit, c’est le grand tas de compost d’où dégringolent de temps en temps quelques morceaux choisis. C’est définitivement de ventres dont il est question ici, de ventres et de digestion. L’artiste le montre gorgé jusqu’au trop-plein.

La femme de chambre, (vers 1930). La jeune femme qui pose dans l’encadrement de cette toile particulièrement étroite et allongée, a le visage rouge et les traits retenus, gonflés, pas tout à fait crispés. La bouche est maintenue fermée mais semble être à bout de souffle, les yeux humides, les joue tendues, le front inquiet et bombé ; cette femme de chambre, coincée entre son tablier et l’obscurité d’un fond de couloir, semble avoir autre chose à faire. D’ailleurs, les plis de sa robe et de sa blouse indiquent un léger mouvement, comme s’ils étaient déjà en marche. Coincée dans son cadre presque quatre fois plus haut que large, la femme de chambre va bientôt reprendre son service.

Arbre dans le vent, (vers 1939). Aux pieds d’un arbre, une petite figure suit son chien. Le chien a un collier rouge vif et gambade gaiement, le propriétaire du chien court derrière lui au travers de la campagne. L’arbre, aux airs d’eucalyptus, est pris dans la tempête. Les branches sont couchées et créent un faisceau d’horizontales qui donnent l’impression d’être aspiré par le côté droit du tableau. Or, outre la texture mêlant allégrement le grumeleux et le lisse, voire, le tendu, la toile est parfaitement sèche et presque fossilisée dans cet état où le végétal est quasiment devenu minéral.