Le travail de Martin Barré est une initiation, une pratique de l’art contemporain qui aiguise le regard et canalise le rapport aux œuvres dans l’espace. Dans ces peintures tout se joue en peu de chose, les gestes y sont très simples, et rien de superflu ne vient égayer leur précision.

La galerie laurent mueller présente une double exposition autour de l’artiste. On y trouve tout d’abord le travail de Corinne Laroche ; celui-ci est intitulé comme un hommage, mais il n’est pas pour autant une déclaration d’école. Il s’agit plutôt de la réactivation du travail de Barré à l’aune d’autres œuvres, d’autres protocoles, d’autres exercices de souplesse. Corinne Laroche choisit toujours des mises en scène très simples, en noir sur le blanc des papiers buvards qu’elle utilise. Elle pose des points, qui forment des lignes, puis des grilles plus ou moins complexes. Ce ne sont que des points, en tous points semblables et à chaque fois méticuleusement espacés, des points qui, malgré tout, une fois côte à côte, sont en tous points dissemblables. Une dissemblance, un trouble que l’on voudrait expliquer par la fine barbe formée par l’encre diffusée dans le papier au pourtour des points, et qui donne une vie microbienne à ces formes minimalistes, mais qui ne parvient pas profondément à convaincre. On préfère rester dans la part de doute, le fin équilibre sur lequel se tient l’artiste, et qui – en cela – est plus proche que jamais de Martin Barré.

James Brooks construit son travail à l’intersection de mots et de leur image. Ainsi, Surf Reports n’est ni plus ni moins que ce que le titre donne à croire ; il parvient à l’être grâce à l’intime et surprenante conviction qui se noue entre une feuille marquée de plis, le bleu dont elle est recouverte, la texture de la peinture et les deux mots qui les nomment. Surf Reports, c’est le goût du sel sur le bout de la langue sans avoir besoin de se déplacer à Biarritz ni même de fermer les yeux. L’équilibre entre les termes et la composition est ici essentiel. Great Ideas Copied and Covered souligne les jeux de mise en page tirés d’ouvrages célèbres. Il s’empare des titres des livres, les incorporant dans ses propres titres, mais en les masquant dans son travail et ne faisant apparaître que l’architecture visuelle des couvertures. Des mots, n’apparait plus alors que les rapports de longueur et les rythmes. Or, en les regardant, la mise en page qui est habituellement un élément de confort de lecture, devient une persistance, un parasite pour l’image que nous renvoie les livres. On comprend, via les répétitions d’une œuvre à l’autre, que l’éditeur est probablement le même, On Solitude de Montaigne tient en six lignes, Books vs. Cigarettes d’Orwell en cinq.