Traces et objets sont indissociables dans le travail de Michel François. L’un et l’autre se répondent dans un dialogue où formes et usages tissent un réseau de subtilités qui prennent à parti l’observateur avec une très grande simplicité. Two dimensional neon rope est une bonne introduction. L’œuvre est constituée de deux néons blancs suspendus au plafond. Leurs formes ondulantes donnent l’impression qu’ils pendouillent comme des élastiques ou dégoulinent mollement. Pourtant ils sont raides, raides et fragiles comme le verre dont ils sont faits.

Plus loin, l’artiste a accroché sur un mur une grande feuille de papier froissée. Ce Froissé bleu n’est rien de plus qu’une boule sortie de sa panière à papier, rouverte et dépliée sur le mur. Mais en la découvrant, cette surface bleue devient presque spontanément tout autre chose, les creux et les vallées, les falaises et les corniches négligemment créés par le froissé, dessinent une carte de fonds marins. Le bleu, immense, est identique à celui que l’on trouve sur les cartes d’écoliers. L’océan qui se révèle à nous emporte avec lui mille et une envies de départ. L’air de rien, c’est tout 2000 Lieues sous les mers qui est présent dans le geste insignifiant et presque irrévérencieux de Michel François.

45/65-45 est un grand pneu de tracteur – plus de deux mètres de haut, un vrai colosse. Son aspect marron rouille intrigue tout d’abord, est-ce un bronze ? Non, il s’agit plutôt d’un ready-made au sens le plus direct du terme, l’objet a certainement été récupéré quelque part. Malgré son prosaïsme, ce pneu intrigue, on a envie de le toucher, et c’est que l’on fait. Mais une fois tout proche, le visiteur est pris à la gorge par l’odeur du caoutchouc. Celle-ci est tellement forte que l’on a un mouvement de recul en se demandant si le ready-made en question n’est pas plutôt olfactif. C’est un tel désagrément que l’on est obligé de se retirer et de se tenir à bonne distance : la distance que l’on met entre soi et un tracteur de 12 tonnes en pleine action.

Au milieu du parcours, une vidéo invite à s’assoir et prendre son temps. Il s’agit de Loisir et survie, elle montre un groupe d’ouvriers démolissant une structure en béton, probablement un terrain de basket, vestige d’un parc d’attractions. Un homme assis tape avec une masse ridicule. Petit à petit, il fracasse de microscopiques bouts pour les emporter à l’aide d’une brouette que charge un autre homme ; d’autres, architectes et contremaîtres, supervisent. Tout près de là, la mer se déverse en rouleaux et en vagues qu’accompagnent leurs incessants bruits, abrutissant encore plus les ouvriers.