René Daniëls est un de ces artistes liés aux scènes musicales punk et expérimentale des années 70-80, un de ces trublions pogotant une caméra super8 au poing la nuit et peignant le jour. Concerts, musique, atelier, couleurs criardes, refus du style, rejet de la manière, morceaux de phrases, morceaux de mots balancés sur la toile : une vie de province vécu à 100 à l’heure, loin des médias, loin des dandys, mais qui s’est brutalement arrêté en 1987 avec l’attaque cérébrale dont fut victime l’artiste à 37 ans à peine.

L’exposition retrace le parcours de Daniëls entre 1976 et 1987. Toute la peinture de l’artiste à cette époque est faite d’explosions lasses, de gestuelle sans virtuosité, de grands aplats de couleurs structurés mats, fluides, quasi géométriques, de répétitions la fois abstraites et chargées de symboles. C’est une peinture qui sent les années 80, la désindustrialisation, l’urbanisme, le bétonné, la fin des utopies. L’un des éléments que l’on retrouve presque partout est un nœud papillon, Daniëls en use à toutes les sauces. On se dit que l’homme est chic, qu’il a de l’élégance. On retrouve aussi souvent des arborescences de mots et de phrases, beaucoup de symboles, une forme d’architecture froide omniprésente, mais aux couleurs acidulées et lisses.

À mesure que l’on découvre ce travail, on se rend compte que les nœuds papillon sont un peu plus polysémiques que ce que l’on avait supposé au début. Compris à une autre échelle, ils sont des vues en perspective, des pièces dont l’artiste ne trace que le mur du fond et les deux murs adjacents, des fonds de couloirs, des coins sans sol, sans plafond. Parfois, Daniëls y insère des ouvertures, des fenêtres ou des motifs, mais celles-ci sont toujours fermées. Le regard bute dans ces culs-de-sac, pourtant ils sont systématiquement disposés sur de grands fonds infinis. C’est comme une sorte de fatalité qui frape le regardeur, une fatalité d’autant plus pressante que l’on sait qu’aujourd’hui l’artiste est coincé dans une semi-paralysie. Toutes ces œuvres annoncent une fin qui n’a finalement pas grand-chose de chic.

Ainsi, ce travail relativement simple et je-m’en-foutiste s’avère bien plus ancrée dans le réel que n’importe quelle description scrupuleuse. Cette mauvaise peinture n’était certainement pas aussi nonchalante que ce qu’elle affiche spontanément.