À l’époque de la globalisation de tous par tous, quelles formes de cartographie peuvent encore rendre compte physiquement de l’espace, du savoir et des sociétés humaines ? Qiu Zhijie nous pose la question et nous renvoie à une ribambelle de réponses et de tentatives toutes plus surprenantes les unes que les autres. En effet, quoi de plus désuet qu’une carte du monde ? Qu’elles soient géographiques, climatiques ou politiques, elles ne font que tracer des lignes, signifiant les frontières comme autant de maigres jointures alors qu’elles sont bien plus des zones, des espaces hybridés.

Dans son exposition au Witte de With, l’artiste reproduit à très grande échelle les cartes qu’il conçoit pour donner une trace physique aux relations qui rapprochent et écartent toutes formes d’action et de pensée humaine. Dans le tracé de ces cosmogonies en forme d’îles, de villes ou de rivières, Qiu Zhijie importe pêle-mêle les sciences orientales et occidentales, la cuisine et l’architecture, l’art, la spiritualité et les rouage de la fiance internationales, bref, tout ce qui n’est que rarement mis en parallèle. Il produit ainsi une sorte de soupe, mais où  les relations sont méthodiquement choisies et rien n’est jamais laissé au hasard. On trouve ainsi une Carte du 21e siècle – carte qui comporte tout autant les utopies que les pis-aller de l’époque qui l’ont vue naître et dont, aujourd’hui, en tant qu’artiste, il est le dépositaire. Dans cette tentative en particulier, Qiu Zhijie n’offre aux visiteurs aucune logique de rédemption, le siècle est montré tel qu’il le perçoit : comme une machine.

Dans la Carte de l’art total, c’est sous la forme d’un grand campus qu’il choisit de mettre en relation les possibilités et les dérivatifs offerts aux artistes. Dans celui-ci le regard, par le mouvement circulaire qui lui est imposé, nous donne un aperçu de l’implacable mode de fabrication des idées et des œuvres. Les grandes figures tutélaires, Beuys, Duchamps, Warhol, etc., sont présentées comme des aboutissements, untel donne son nom à un parc, untel à un espace de détente ou une grande allée. L’espace est rempli d’une pléiade de possibilité pour les artistes, mais Qiu Zhijie ne les présente que comme des postures dont il met à jour les logiques de placement.

La représentation de la Carte de la réactivation est encore plus acide. En mettant des noms et des institutions sur le mécanisme de recyclage des idées, il donne à voir la création comme une formidable machine à faire du neuf avec du vieux

On rit jaune, beaucoup, et puis aussi parfois on rit aussi de bon cœur. Qiu Zhijie n’est pas tendre, mais essaye d’être aussi précis que possible. On se demande tout de même s’il réalisera un jour une carte de ses cartes du monde.