L’exposition de Hans van Bentem au Gemeentemuseum à La Haye est construite sur un enchaînement de pièces portant chacune le nom d’un style ou d’une époque. L’artiste y expose ses céramiques, disposées au centre de chaque pièce ; elles contaminent l’espace de leurs débordements d’objets usuels et imaginaires. Telles de vigoureuses mais délicates fleuraisons, elles imposent aux visiteurs de les contourner pour pouvoir les appréhender totalement. Toute l’exposition est à l’image de la première sculpture que l’on rencontre. Celle-ci, disposée dans l’âtre d’une cheminée sans feu, a vaguement la forme d’une flambée ; outre les flammes, on y devine pêle-mêle un crâne, une vieille chaussure, une bouteille, tout un inventaire de dépotoir en somme, mais un dépotoir beau comme un sou neuf et figé dans un émail finement décoré.

La première grande installation, La salle Louis XVI, est constituée de nombreuses sculptures bariolées aux couleurs chatoyantes. Comme à carnaval, l’artiste y a mélangé, chimères et fleurs, monstres, sirènes, et autres délires de carton-pâte. On y croise des hommes en armure, mi-robots mi-pieuvres, des animaux fantastiques, et partout des milliers de fleurs. Tous sont à la parade. Le sol est jonché de bidons d’essence, de masques, et de têtes de chevaux décorées de petits motifs floraux nacrés.

Dans la pièce suivante, La salle de marbre, l’artiste semble, avec sa sculpture, avoir voulu montrer l’enfer. Mais un enfer de l’après, un enfer où tout a déjà été consumé, un enfer noir et sec comme du jais. En son centre, un squelette tient encore debout, il tient d’une main un fusil et de l’autre un bouquet de fleur. Au milieu des charbons ardents et des mitraillettes à roulettes – symbole de l’art contemporain et de l’éclairage artificiel de nos grands complexes commerciaux – brillent trois néons violets.

Vient en suite La salle Japonaise. Elle reprend presque à l’identique La salle Louis XVI mais, contrairement à elle, elle est toute blanche, immaculée, comme lavée de la tentation et des vices colorés. Tout y est désormais pur. La scénographie veut qu’ensuite les visiteurs abordent La salle Louis XV. Dans celle-ci, les couleurs réapparaissent, mais la céramique a été remplacée par de la terre cuite et du bois peint avec des couleurs mates. L’installation, bien qu’elle aussi pavée de crânes, ressemble à un assemblage de jouets et de totems primitifs, mais lourds et graves comme si cette salle de jeu refusait toute dimension ludique. Une contradiction qui se résolut dans l’ultime espace de l’exposition auquel on accède par derrière un grand rideau de velours. En son centre trône un lit, un lit royal, un lit nuptial, le lit où les rêves et les cauchemars sont frères et sœurs.