C’est par un bruit de respiration que l’on aborde l’exposition de Kater Attia dans les sous-sols du musée d’art moderne de la ville de Paris. Un bruit qui se répète, accélère ses saccades, s’arrête lentement, puis reprend de plus belle pour nous accompagner pendant presque toute la durée de l’exposition. Il est sec et retenu, désagréable mais familier. Il est émis par la double vidéo d’Inspiration/conversation. Dans cette installation deux écrans disposés côte à côte diffusent deux vidéos qui se font face. Quand l’une est en marche, l’autre est à l’arrêt ; on y voit une personne respirant à l’intérieur d’une bouteille en plastique. Le souffle recroqueville puis reforme la bouteille, c’est cela qui produit le bruit qui nous accueille.

De l’autre bout du parcours, nous parvient une autre musique dont on reconnait immédiatement les mélodies orientales. Au début elle est presque imperceptible mais, petit à petit, elle se mêle à celle du plastique, puis la recouvre totalement. Au-delà des images que présente l’exposition, c’est ce mélange qui retient l’attention, la culture et le déchet mêlés grâce au souffle. Le souffle de l’Afrique où s’entassent nos déchets, et le souffle du Maghreb, envoûtant et chatoyant, mais triste, aussi.

Cette musique est associée au diaporama de Piste d’atterrissage. Tout à la fin de l’exposition, elle est la dernière œuvre du présentée ; la vidéo montre le cheminement d’un groupe de transsexuels entre l’Algérie et Paris – ou inversement si l’on l’aborde par le milieu. À mesure que passent les diapos, une douce mélancolie se distille, un peu comme si ce qu’elles montrent était ancien, une sorte de rêverie, un d’âge d’or, fait d’insouciance, de préparatifs aux paillettes, de soirées, de pacotilles, de nuits et jamais de jours, une attente joyeuse, un espoir dont on devine qu’il n’a pas forcement tenu toutes ses promesses. En Algérie, on ne voit pratiquement que des images prises en intérieur. C’est le temps des transformations, mais celles-ci s’opèrent à l’abri des regards, pas forcement cachées mais protégées. À Paris, les images sont essentiellement en extérieur, on y croise le boulevard Ney, une entrée de métro, des manifs pour les immigrés, un bureau de régularisation… un quotidien ouvert sur la réalité, mais une réalité lourde, grise, pesante, à mille lieux des perpétuelles fêtes qui précédaient. La musique, elle, ne s’arrête jamais. Si nuances il y a, elles sont imperceptibles à ceux qui n’en comprennent pas les paroles ; tant et si bien, qu’avec notre regard d’occidental, il en devient délicat de distinguer où se trouve l’utopie et où se trouve le déracinement. De l’un à l’autre la réalité est douce-amère, et de même que la musique précédait les images en arrivant, elle nous raccompagne jusqu’à la sortie où le bruit mécanique du plastique la remplace.