Il est des expositions où il est préférable de se laisser porter par le lieu et les œuvres. Les explications tombant souvent à plat face aux travaux, en eux-mêmes, bien trop riches de subtilités pour se laisser circonscrire dans un discours de circonstance. L’exposition de Marc Couturier au musée de la Chasse et de la Nature à Paris est une de celles-là. Rien n’interdit d’emporter avec soi le petit communiqué, ni d’écouter la petite interview de l’artiste une fois le parcours clos, mais il est préférable de commencer par les œuvres.

La première salle est presque entièrement envahie par Troisième jour, un dessin mural que l’on croirait fait d’un seul geste, tant le trait souple de l’artiste se tisse et retisse comme un long fil éparpillé sur les murs. De près on ne distingue rien mais, en s’éloignant, on commence à voir se dessiner les ondulations d’une prairie, de hautes herbes poussées par un vent que l’on ne perçoit pas mais qui accompagne l’agréable fraîcheur du lieu. De temps à autre, des silhouettes d’arbres, fines et élancées, scandent le paysage. Nous sommes à l’orée d’un petit bois entretenu et aéré. Au milieu d’un coin de clairière l’artiste a laissé une lacune, c’est une étendue d’eau, douce et calme mais parfaitement minéralisée.

Dans la pièce suivante, une demi-barque émerge d’un mur. Elle est pointée en suspension face à l’entrée et au visiteur qui la découvre. Le reste du mur est recouvert d’un miroir. Alors que dans l’espace précédant le visiteur était au centre d’un déjeuner sur l’herbe dont il était le seul participant, il se reflète maintenant aux côtés de l’embarcation, plongé dans une eau sans courant et qu’il ne voit pas. De l’impossible invitation aux plaisirs bucoliques, encore éclairée par la lumière de l’extérieur, au face à face de  la Barque miroir où tout est reflets et contre-jours, le travail de Marc Couturier nous emporte dans une rêverie presque immatérielle. Pourtant, l’artiste aime la matière, il aime l’évoquer, mais il aime aussi s’en saisir.

Dans la troisième et ultime salle de l’espace d’exposition temporaire, il a accroché trois cadres blancs. Les deux plus petits présentent des dessins : l’un montre une lune aquarellée, l’autre une petite tache de salpêtre. Le plus grand, disposé au dessus des autres, renferme un savon usé et sec comme une vieille pierre. Sa surface riche et polie lui donne un air mystérieux, c’est peut-être un talisman, une relique ; mais on n’a pas besoin de savoir, la nuance entre le confiné et l’au-delà, l’astral et le renfermé, est toujours plus intense quand elle est silencieuse.