Tout le travail de Nicolas Kuligowski peut être compris comme un face à face avec la toile. Un face à face qui exige que les formats soient toujours verticaux de sorte qu’il répondent à la stature de l’artiste. À chaque fois, il se donne plusieurs chances pour réussir son tableau, et chacune d’entre elle apparaît comme une strate supplémentaire à la surface de la toile. On les distingue par leurs manières, tout d’abord fluides, puis de plus en plus tendues, sèches et empâté à mesure que Nicolas Kuligowski est contraint de reprendre son travail. Ainsi, l’objet fini est au croisement de deux mouvements, l’un allant d’une souple insouciance vers un durcissement du rapport de force, et l’autre allant de la dualité peintre/toile vers l’objet unique qu’est l’œuvre.

Au fond de l’exposition un étrange tableau est occupé en son centre par une porte rose presque liquide ; l’observateur est invité à y accéder par un pont protégé par deux rambardes qui commence à la base du tableau et mène jusqu’à la porte. Mais celle-ci est barrée horizontalement de grands coups de pinceaux noirs. Derrière elle, un fond bleu ciel parcouru par des éléments blancs qui giclent, donne l’impression de l’imminence d’une chute. On éprouve pratiquement la même sensation face au tableau disposé à ses côtés. Il représente un paysage enneigé violet que surplombe une jeune fille nous tournant le dos. Au travers de sa robe un autre paysage – urbain celui-ci – dessine une seconde profondeur. La fille à l’air de s’en aller alors que les petites maisons sombrent lentement dans les plis de ses jupons.

Dans l’exposition, une autre personne nous tourne le dos. Il s’agit d’un homme, ceinturé et portant une chemise à gros carreaux et un jean. Il regarde on ne sait où et  dédaigne la pelleteuse qui creuse à ses pieds. Pour le moment le trou est encore petit, mais le tableau n’est pas une fin, nul ne sait encore si ce trou ne sera pas une fosse dans la prochaine œuvre de Nicolas Kuligowski.