Anri Sala n’est pas ce que l’on peut appeler un artiste facile. Son travail est exigent et, très souvent, c’est ainsi qu’il est décrit. Ses vidéos ne proposent pas la linéarité des petites narrations explosives ni l’entêtante répétition des boîtes à rythmes visuels. La seule chose que l’on sache vraiment, c’est qu’il y a eu un avant, et qu’il y aura un après.

L’exposition du Centre Pompidou est constituée de plusieurs œuvres assemblées pour l’occasion, mais elle se donne à voir comme une seule œuvre. La matière principale du projet est faite de l’entretien des rapports entre les différents éléments présents. Il y a tout d’abord les quatre grands espaces-écrans sur lesquels sont projetées quatre vidéos, dans un certain ordre, mais qui n’est pas celui des bandes sons qui elles se recoupent et se mélange continuellement. Viennent en suite les visiteurs, et puis, ponctuellement de plus petits éléments captant périodiquement l’attention : Doldrums, dix caisses claires bâtent lentement la mesure le long de la façade vitrée ; sur celle-ci est intégrée No Window No Cry, une petite boîte à musique dont chacun est invité à faire fonctionner la manivelle. Les gens vont et viennent au milieux de cet agencement très simple.

Ainsi, la visite de l’exposition – et encore plus quand celle-ci est comble – est rythmée par le mouvement des passants intérieurs. Certains sont assis, d’autres marchent le regard tourné vers les vidéos. Puis quand celles-ci s’échangent, la dynamique du public s’infléchie, et finie par tourner sur elle même. Les vidéos ne semblent rien avoir en commun, et pour cause, elles aussi ont été conçues indépendamment de l’ensemble. On remarque quand même qu’elles sont reliées par deux choses, le silence de leurs protagonistes, et la musique de The Clash et de Tchaïkovski. Should I stay or sould I go …

La narration, si elle existe, ne s’impose ni se fait désirer ; les carillons cristallins jouent en permanence et mènent une danse qui se suffit aux images. Au-delà ? Il y a probablement beaucoup plus. Mais il est si rare d’assister à une œuvre qui réussisse aussi parfaitement à faire corps avec le flux de ses usagers, que le plaisir de s’y mêler et de s’y perdre dépasse les questions qui s’y posent. Should I stay or should I go se dit-on encore.