Excentrique(s) est un jeu de mots aux multiples tiroirs ; l’œuvre déploie une véritable ingéniosité à tisser un réseau de références et d’associations. En cela, Daniel Buren a bien retenu la leçon de storytelling donnée, l’an passé, par son prédécesseur, Anish Kapoor et son Leviathan.

Deux points de vue coexistent dans cette installation. Un premier regard s’ouvre horizontalement et nous plonge dans une forêt de piquets, peu dense mais s’étendant à perte de vue. Ces pieds, de parasols ou de marchés de boulevards, c’est selon la perspective de l’observateur, soutiennent des cercles colorés et translucides, bleus, orange, jaunes et verts. Un second regard structure la visite, zénithal cette fois-ci. Puisque rapidement nous sommes attirés par la plénitude de la couleur qui teinte la nef en l’observant par en-dessous. On avance donc en hochant la tête de haut en bas ; mais aucun gag n’est au programme, le risque de se prendre un poteau en marchant étant relativement minime.

La balade n’est pas désagréable. Une chose vient pourtant frapper notre curiosité. Il s’agit de l’odeur de plastique qui remplit l’atmosphère. Cette odeur est la même que celle qui s’évadait des emballages de certains jouets neufs.

C’est une impression d’enfance, une impression redoublée par le sentiment de petite taille qui nous saisit dès que l’on entre. L’installation ne s’élève pas à plus de trois mètres au-dessus du sol, alors qu’au-delà, la verrière du Grand Palais semble plus haute que jamais. D’une certaine manière, c’est un peu comme si Buren nous avait invités à nous remémorer ces repas de famille où, petit enfant, on nous donnait une figurine en plastique pour nous occuper, et nous jouions sous la nappe sans pouvoir voir ce qu’il se passait à sa surface.

Nous ne sommes toujours pas assez grands pour prendre place à la table de Buren ; mais celui-ci a levé le voile d’opacité qui la recouvre, au-dessus : le ciel, et la dentelle d’acier quadricolore qui le corsette.