L’exposition de Laurent Millet au musée de la Chasse et de la Nature présente les œuvres réalisées lors d’une résidence dans le parc de Bel-Val, l’ancien territoire de chasse des fondateurs du musée.

Au beau milieu de la forêt, l’artiste reprend un ancien système de chasse. Celui-ci fonctionne comme un entonnoir. Les animaux traqués s’y engouffrent pour, en bout de course, se retrouver coincés, pris dans les filets comme des poissons. Le dispositif que reconstitue Laurent Millet est identique, sauf en un point. Ici, en lieu et place des filets, l’artiste utilise des cordes pour modéliser grandeur nature le piège et le photographier. Mais il n’y a plus de piège, ou peut-être seulement visuel. Les cordes tracent dans l’espace une étrange architecture qui laisse passer le regard, de même qu’elle laisserait passer le gibier. Mais en revanche, elle ordonne visuellement un cheminement, une structure tendue, dans laquelle le regard se perd et s’empêtre.

Tout l’espace d’exposition est rempli de ces photographies de grand format où notre vision se fige, incapable de trouver une issue dans l’opposition entre la morphologie souple du paysage et l’espace construit. La logique se confond avec la peur. On voudrait détaler, mais on n’en fait rien, à moitié par honte, à moitié parce que le piège s’est refermé sur nous. Toute la science de l’artiste se trouve dans cette ambiguïté, entre reconstitution technique et simulacre. La battue, nous n’y sommes pas conviés, mais malgré tout nous y sommes, et même en plein milieu.

Cela fonctionne à merveille. Nulle part le mot n’est écrit, rien n’indique –  pas même dans la scénographie et l’éclairage – que le visiteur doit se mettre à la place du gibier sur le point d’être tiré. Et rien n’est pourtant plus évident. Et rien n’est plus agréable que de  ne pas sentir le poids de la morale cogner à la vitre de l’exposition.