« Pas de chefs-d’œuvre » s’entend-t-on dire à l’entrée de l’exposition Rosemarie Trockel, « l’artiste les a sciemment enlevés de l’exposition ».

Mais encore ? Méfiance.

La visite débute par les collages qui, de but en blanc, mettent les points sur les i. Rosemarie Trockel n’est pas là où on la cherche. Ces œuvres récentes sont construites par juxtapositions et réutilisations. On y trouve, entre autres, les résidus d’anciennes œuvres encore teintés de charge féministe, auxquels l’artiste a adjoint des morceaux hétéroclites, pastiches et simulacres qui forment ainsi de petits rébus visuels très éloignés du travail que l’on connait habituellement d’elle. De la sorte, elle procède à une rénovation de l’image, une réactualisation de ses procédés.

La seconde salle présente des céramiques sous la forme d’une liste de mariage. On y trouve des formes organiques inspirées par des morceaux de pain ou de viande, ainsi que des objets encombrants, comme Copy me, un long canapé moderniste recouvert d’un plastique de protection. Dans un coin, une chaîne barre aux visiteurs l’accès à un cul-de-sac. On pourrait ne pas y prêter attention, mais les gros maillons de cette chaine ont été laissés ouverts, prêt à se casser. L’interdit que signifie le motif devient alors aussi fragile que le matériau qui la constitue. L’un dans l’autre, ils désignent avec discrétion l’équilibre précaire sur lequel reposent toutes représentations.

Autre étage : c’est là que se trouvent les œuvres les plus connues. On croise pêle-mêle, et le plus souvent sans titres, des plaques électriques rouillées en fonctionnement, des sculptures en mousse, mi-literie mi-isolants phoniques, du textile et surtout de la laine. Toutes ces œuvres sont parfaitement minimalistes, austères d’apparence mais douces et chaleureuses par leurs matériaux. Non sans une réelle ironie, l’artiste en profite à chaque fois pour parler chiffon. De la sorte, elle mine la question de la féminité et moque celle du sexe de l’art. Pour Rosemarie Trockel la question la plus intéressante est avant tout celle de l’articulation du comment et de son contexte. Et c’est essentiellement en cela que les variations qu’elle opère dans l’accrochage de cette exposition, du vieux au neuf, sont pertinentes. Plaques de cuissons ou pas, l’artiste se refuse à montrer du réchauffé.

Au bout de la visite se trouve Still life, la dernière facétie de l’artiste. L’œuvre est constituée de cercles blancs disposés sur un mur noir : des hula hoop à l’usage des enfants. Puisqu’après tout, l’éducation commence au plus jeune âge.