Cy Twombly n’est plus. Et les photos que nous découvrons sont l’ultime commentaire de son œuvre. Leur exposition au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles retrace toute une vie de clichés sans mise au point. L’artiste les avait soigneusement accumulées durant toute sa carrière. Elles nous apparaissent maintenant comme une indiscrétion testamentaire, un clin d’œil anti momification.

Dès les débuts, ce sont les détails qui arrêtent l’artiste. Un peu à la manière d’aide-mémoires, mais une mémoire qui – si elle a été retranscrite – a disparue de la peinture. Les premières photographies sont en noir et blanc ; on y voit des coins de table d’où déborde une nappe blanche que l’on imagine d’un coton lourd et parsemé des miettes d’un goûter de confitures maison. Ces mêmes coins de table de milieu d’après-midi que l’on trouve aussi chez Bonnard.

Puis le photographe adopte la couleur, et le polaroïd. Les images s’estompent légèrement, la lumière envahit les fleurs que l’artiste prend pour modèles ; sous son objectif, les tulipes tremblent et les bouquets composés diffusent visuellement leurs parfums. Ces images n’ont rien de spectaculaire, rien d’extraordinaire, elles sont simplement les signes du romantisme d’un peintre américain.

L’exposition est presque entièrement construite autour de séries de sujets, feuilles de choux, vues d’ateliers et d’expositions, arbres : des détails, toujours des détails. À aucun moment l’artiste ne laisse de perspective, comme quand il peint, il est face à face avec son regard. On a l’impression qu’il photographie comme s’il tombait. Lâché à bout portant l’œil ne se met plus au point. Rarement, très rarement, une ouverture apparaît. Derrière une porte entrebâillée – un morceau de couloir –, et au milieu trône une sculpture inondée de lumière. Ce n’est que tout à la fin que le ciel apparaît pour la première fois. La dernière série montre la ligne que dessine le relief d’une montagne dans le ciel. Elle sépare l’image en deux. Noir en bas, clair en haut.  Ces photographies datent de 2008, peu avant la fin de la vie de l’artiste.