Beauté animale est un difficile projet. Souvent, on accepte sans broncher d’écouter le bruit de fond d’une exposition quand celui-ci est historico-tatillon, bien pensant ou orienté esthétiquement par des commissaires pickpockets. On s’applique à déjouer ces pièges, et parfois, on les pardonne. Mais ici, le cantique des cantiques de la cause animale tape trop durement sur le système.

Et pourtant, on pourrait se réjouir de la visite d’une exposition qui choisit un lièvre, un oiseau, un âne et un loup en tête de gondole de cet arche qui prend un peu l’eau. Il y a là nombre d’œuvres que l’on est heureux de retrouver mais, à chaque fois, le sermon fatigue.

D’une manière générale, l’ami des bêtes trouve bonne place dans cette exposition. L’étude et l’anatomie président à la première salle : Eadweard Muybridge et Jules Marey sont sollicités pour parler de chats, Géricault et Stubbs de chevaux. La seconde souligne l’empreinte de l’homme sur la morphologie des animaux. La troisième regroupe les chiens-chiens de ces messieurs et les chats-chats de ces dames. De Bassano à Jeff Koons, tous les pelages sont passés au crible. Et presque à chaque fois ils ont l’air étrange. Misse et Turlu d’Oudry, avec leurs membres décharnés et leurs regards ahuris, n’ont plus la noblesse de leur lignée. En face, les matous se querellant de Goya sont aussi niais que le chat de Steinlen est usé par les mugs à son effigie. Les rapports humains/animaux trainent derrière eux beaucoup de stéréotypes. Cette seule salle sur l’intimité de ces rapports aurait pu être le prétexte de toute l’exposition, c’est là que l’on trouve les observations les plus parlantes, les moins anecdotiques de cette ménagerie.

Octo de Johan Creten en est la seule vraie surprise. Cette raie en bronze, plate et ondoyante, répond à la truite de Courbet qui l’attend un peu plus loin. Visqueuses, fuyantes, capturées mais froides, elles sont un pied de nez au didactisme de l’exposition. L’animalité de ces poissons est intense, belle, mais surtout, elle est autre. Elle dépasse le stade de la simple représentation et évite l’allégorie abusive dans lesquels sombrent trop souvent les artistes présentés ici.

Plus loin, un grand miroir est installé derrière les Tête d’orang-outan de Pompon et de Dantan jeune. En s’arrêtant, le visiteur voit son reflet associé aux têtes de singes. Doit il s’y retrouver, s’identifier? Vous d’abord madame la commissaire.

A la fin de l’exposition nos regards se troublent une dernière fois. Les Deux jeunes phoques sur la plage de Paul de Vos ont quelque chose d’inquietament anthropomorphique. Un instant de doute, puis l’on comprend : Bibi phoque. Ces animaux sont complètement pollués par l’image que la télévision leur a collée. Fort heureusement, on nous épargne Flipper le dauphin et Lassie.