L’exposition Christopher Wool du Musée d’art moderne de la ville de Paris ne comporte que trois salles pour une trentaine de tableaux. Ils sont très simplement composés de gris, noir, et blanc, parfois intercalés de rouge brique ou de brun. Mais la complexité des procédés est immense. Ces travaux sont formés de grilles, d’éclaboussures pulvérisées et de matrices enchâssées qui se perdent, apparaissent et disparaissent par recouvrement.

D’une œuvre à l’autre l’artiste reprend certains motifs. Le grand geste de peinture à la bombe d’He said she said réapparait tel quel sur Untilted (2000). Dans la première, il est une inflorescence sérigraphiée en noir sur un fond blanc, opaque et quasiment plastique, alors que dans la seconde, le même motif est appliqué en orange sur une fine croûte de peinture blanche. Les éléments de base de Christopher Wool sont peu de chose, mais il s’en empare et les presse comme des citrons jusqu’à leur dernière goute. Ce qui crée un effet de dédoublement et de persistance.

Pour y parvenir, l’artiste use l’image par excès de photocopie et de scanner, utilisant les déperditions et les lacunes techniques des machines pour épurer son dessin. On ne sait pas combien d’opérations ont nécessité la création de ces images, on devine seulement que les traces qu’il récupère sont jaugées implacablement. Il faut que la sédimentation de l’image soit la plus lisse possible, la plus subtile. Elles sont tellement fines que l’on a l’impression que, par son jeu d’addition, l’artiste fabrique un sfumato technique. Seule la brillance ou l’aspect mât des encres donne du relief aux très grands formats sur lesquels se disperse la fine pellicule obtenue.

Les œuvres sur papier se permettent plus d’épaisseur, l’encre y est déversée de tout son poids, on la sent lisse et onctueuse comme une crème anglaise qui aurait lentement coulé. Les surfaces se réchauffent un peu, l’instantanéité figée des peintures sérigraphiées laisse un temps s’installer. Quelques secondes à peine. Juste ce qu’il faut pour que l’on puisse s’y faufiler.