À l’entrée de l’exposition Berthe Morisot au musée Marmottan trois autoportraits attendent le visiteur. Sur deux d’entre eux, Julie, sa fille, l’accompagne. Mais celle-ci a à chaque fois le visage tourné ou occupé à autre chose. L’image un peu mièvre de l’artiste et mère, au regard inquiet et doux, un œil sur son travail, un autre sur son enfant, joue à fond. Mais ce petit goût de guimauve s’estompe à la découverte des deux portraits d’elle par Manet. Là, toute de noir vêtue, mutine et franche, son sourire et ses lèvres disent soudainement beaucoup plus.

La première partie de l’exposition est constituée d’une série de portraits intimes où se croisent les amies de l’artiste, sa sœur et sa fille, ses commanditaires et ses admiratrices. Il n’y a là que des femmes de confiance, et qui lui font confiance. Morisot ne se contente pas de peindre des portraits, elle fait aussi remonter à la surface toute une psychologie féminine inhabituelle et insoupçonnée quand les artistes sont des hommes ; un mélange d’aisance et de naturel, d’amitié mêlée de liberté intellectuelle.

Leur traitement pictural, à grands coups de pinceau obliques qui hachent ces paysages idylliques de la vie domestique, interdit pourtant toute complaisance. Parfois, comme dans La Fable, on a l’impression qu’un orage s’abat sur les deux personnages, pourtant la femme qui y occupe le centre de la composition reste impassible. Sans sourciller, assise, elle continu, tempête ou pas tempête, à poser son regard aimant sur la petite fille qui lui fait face. Tout le travail de l’artiste est imprégné de cette opposition entre la douceur des gestes et la rudesse de ses coups.

Cette intransigeance se calme avec le temps ; les compositions de la fin de sa vie –  fortement imprégnées par Renoir –, les paysages et les portraits s’affadissent. Ces derniers sont de plus en plus ceux de modèles professionnels. Une autre psychologie apparaît, ce n’est plus l’amitié qui lie la pose, mais le temps rémunéré.

À la fin de l’exposition on accède à un cabinet de dessins aux faux airs de confiserie, flans, gelées et crème pâtissière à gogo. Les pastels et les aquarelles, très illustratifs,  sont une déception ; la personnalité de Berthe semble se nier toute entière dans le dilettantisme gnan-gnan qui les caractérise.

Seule excitation dans la fadeur de ces dernières salles, le portrait d’un neveu – unique présence masculine en dehors de son mari Eugène. L’artiste le représente le visage droit mais les pieds ballant, comme suspendu en l’air.