Un ensemble d’œuvres récentes de l’américain Clay Ketter est présenté à la Galerie Templon. On y trouve deux types de travaux, divergeant quant à leurs matériaux et leurs modalités de représentation, mais reprenant, à leur manière, les mêmes questions sur l’occupation et la construction des espaces urbains.

Les deux grands tirages photographiques de la série Symmetric Settlements attirent immédiatement l’œil. Pris du ciel, ils montrent des paysages sans horizon, occupés par des réseaux serpentins de routes et de chemins ramifiés desservant des maisonnettes et leurs jardinets. Ces vues de zones pavillonnaires, toutes en lacets et en croisements orthogonaux affichent frontalement leur symétrie géométrique.

On ne s’en rend pas compte tout de suite, mais cette symétrie est autant le fait de l’artiste – qui double l’image en la dépliant – que celle du déploiement urbain. Seule une moitié de la photographie est originale, l’autre n’est qu’une copie. Cette symétrie est d’autant plus frappante que le cercle formé par la petite ville est tout entier entouré de végétation. Rien ne sort : centrée sur elle-même, la ville circulaire répète la même logique tel un mouvement perpétuel. Pourtant, cette image continue à être plausible. Sans faire aucun effort on s’accommode de ces extensions urbaines sans début ni fin. On les regarde en sachant qu’il en manque un morceau, mais l’on y adhère toujours. Comme par habitude de ne voir que la moitié des choses.

Courtyards est un ensemble de collages formés d’éléments divers, agencés les uns par rapport aux autres comme les couloirs d’un labyrinthe. Dans ces travaux, l’artiste utilise des bouts de moquette, des morceaux de lino, de revêtements muraux, ou de tapisseries retournées, qu’il découpe de sorte à se chevaucher et à se contaminer mutuellement. La composition qu’il obtient donne le sentiment d’une lutte pour l’espace, d’un combat où chaque centimètre carré doit être occupé, chaque surface étendue, et compactée autant que possible sans pourtant jamais qu’elles ne se mélangent. À leur manière, ces images faites de culs-de-sac modélisent l’accumulation des micros communautarismes qui caractérisent les villes. Ainsi, Clay Ketter illustre à la fois l’immense promiscuité de nos vies entassées, et l’entre-soi rigide qui ferme nos yeux sur cette réalité.

Pour figer cette tension l’artiste recouvre le tout d’une épaisse couche de résine. Sous elle plus rien ne bouge.